Völkerschlacht
Dès que j'arrive en ville, je recherche deux choses : mon épicerie et mon lieu de travail. L'épicerie, c'est simple comme tout, j'ai même arrêté de rechercher sur Google Maps si mon prochain logement est à proximité d'une épicerie. Il y a littéralement un Aldi, un Lidl ou un Rewe à distance de marche. Trouver un coworking, c'est une autre affaire. Jusqu'à maintenant, j'ai été très chanceuse et merveilleusement bien accueillie dans les communautés de coworking que j'ai rejointes à Düsseldorf et Mainz. Mais ici...
D'abord, mes recherches Google me proposent une bonne vingtaine d'espaces à Leipzig. Le plus près est Eis30, sur la Eisenbahnstraße. J'écris à l'entreprise et un certain Moritz me répond rapidement. Je vais visiter le lendemain et j'en profite pour rester toute la journée. D'abord, le bâtiment est d'une laideur percutante, tout comme l'intérieur, qui est également très sale. Moritz m'accueille drôlement avec comme entrée en la matière : Sorry, I am a little hangover from yesterday. Ah bon, pas de stress Moritz, je ne te juge pas ! On m'installe dans un bureau dont l'espace n'est pas optimisé du tout, aux côtés de Jona, un jeune allemand freelance qui me raconte qu'il n'arrive pas à se loger. Le pauvre, j'espère qu'il ne dort par sur la Eisenbahnstraße parce que ça n'a pas l'air safe safe
. Il y avait zéro ambiance dans cet espace, c'était plutôt un petit immeuble avec des gens qui travaillent chacun pour soi dans des pièces séparées et qui se partagent un micro-ondes et une toilette qui flush pas bien. Je quitte et je disparais für immer sans jamais donner de nouvelles. Moritz et son hangover n'auront probablement jamais remarqué mon passage en coup de vent.
Deuxième essai, le lendemain, à Raumstation. Ça prend 45 minutes pour se rendre, en prenant deux trams. Sur place, c'est comme un complexe industriel en brique avec plein de portes de garages identifiées par des lettres. Je cherche la porte K. Je trouve la porte K. J'entre dans ce bâtiment glacial de béton et de briques avec un néon sur deux qui fonctionne à moitié. Quel lieu idéal pour se faire assassiner. Trois étages plus haut, j'entre saine et sauve dans Raumstation. Malgré le silence tellement frappant dans cet espace, personne ne réagit. J'approche Stéphanie, une travailleuse de la place d'une grande gentillesse qui accepte de me faire visiter. C'est beau, sympathique, vert, mais c'est trop silencieux. Je m'installe et je travaille, mais après 2 heures, j'avais mon manteau sur le dos, ma tuque et mon foulard. Mes mains et mon nez étaient gelés, je n'étais plus capable de travailler et j'ai donc quitté.
Troisième essai, Basislager Coworking, celui qui ressemble le plus à La Station et dont la communauté semble vraiment très active. J'avais écrit sur Facebook et j'ai reçu une réponse trois jours plus tard, me mentionnant que Facebook est rendu trop mainstream. Ah, je demande alors quelle manière aurait été préférable ? On me répond Instagram, Twitter, e-mail, Website, Imgur, TikTok, Snapchat... Ok Tinder un coup parti ! Dans le fond, pas mal tous les réseaux sauf le retraité Facebook. How could I know ! Je visite avec une gentille fille dont j'ai oublié le nom. L'endroit est beau, mais sans plus. Il manque cruellement de lumière et de verdure. Tout est droit et neutre, en rangées et en tapis. Ça ne me ressemble pas beaucoup. Et que dire du prix. 250 € par mois + 19 % VAT, l'équivalent de 400 $. C'est le double de l'abonnement que j'avais à Beehive et ça ne l'accote même pas un ti peu. Bye !
Donc, j'ai finalement travaillé gratuitement dans ces espaces de coworking toute la semaine, mais je ne suis pas plus avancée, je n'ai pas de lieu de travail et c'est primordial. Report de la mission à la semaine suivante, je suis occupée ce week-end ! Mon allemand préféré, Max, vient passer la fin de semaine avec moi, car il n'a jamais visité Leipzig. Bonjour la visite ! Il est arrivé vendredi vers 23h. Bien que ça faisait seulement 4 jours qu'on ne s'était pas vus, on a quand même trouvé le tour de rester éveillés à échanger des opinions autour de nos bouteilles de vin jusqu'à 3h du matin. Le lendemain, on part à l'aventure dans Leipzig et la pluie battante ne nous arrête pas.
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Le Bundesverwaltungsgericht est le Tribunal administratif fédéral, l'instance suprême des juridictions administratives fédérales de l'Allemagne.
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Le Neues Rathaus est l'Hôtel de ville de Leipzig depuis 1905.
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Le Altes Rathaus est situé juste aux côtés de la Marktplatz et est l'un des plus importants bâtiments allemands datant de la Renaissance.
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J'ai dit que la pluie ne nous arrêtait pas, mais on a quand même dû arrêter un moment pour sécher un peu. Je voulais visiter l'intérieur de l'Université de Leipzig. J'y voyais peut-être la solution de remplacement à défaut d'avoir un coworking où la température est adéquate. C'est très pratique un Allemand à portée de main quand il est question de s'inscrire à l'université juste pour pouvoir profiter du Wifi. Pour un frais unique de 8 €, me voilà enregistrée comme externe Benutzer de la bibliothèque. Pour la première fois, j'ai dû montrer ma carte de résidence avec la plus grande fierté du monde pour compléter le processus. Toll !
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La bibliothèque du campus de l'Université de Leipzig. En semaine, absolument toutes les places sont occupées et il est difficile de trouver une place libre malgré 3 étages.
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La Biblioteca Albertina, un peu plus loin dans un autre bâtiment, est également un espace que je peux utiliser en tant qu'externe Benutzer.
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On poursuit notre marche vers certaines festivités automnales qui avaient lieu sur la Marktplatz, au grand dam de cet Allemand timide qui n'aime pas les foules. On mange une pizza au four à bois dans un resto du centre-ville, on fait quelques courses pour prévoir le repas du dimanche (les commerces sont toujours fermés le dimanche), on rentre à la maison, on fait une sieste et on se réveille en milieu de soirée avec l'idée d'aller voir le
Völkerschlachtdenkmal dans la pénombre. C'était la meilleure idée du week-end !
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Kiosque de Lebkuchen sur la Marktplatz, les biscuits traditionnels allemands qu'on voit un peu partout.
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Ce monument inauguré le 18 octobre 1913 est le plus haut monument de tout le pays, du haut de ses 91 mètres. Il se situe à un peu plus de deux kilomètres de mon appartement, donc on s'y rend à pied, bières à la main. Il fait super bon dehors, la pluie a cessé. L'un des gestes les plus importants posés par l'Allemagne dans sa quête de l'économie d'énergie à l'approche de l'hiver est de ne pas illuminer les monuments et les bâtiments durant la nuit. Ceci n'épargne pas le monument de la Bataille des Nations, qui est là, dans la noirceur totale, avec comme seul éclairage le reflet de la lune. Évidemment, les touristes ne sont pas présents. Qui veut bien venir ici et ne rien distinguer ? Nous ! Malgré qu'on ne le voit pas, on ressent quand même l'importance de ce monument. Il nous appartient, carrément. On grimpe ce que l'on peut et on s'assoit dans les marches tout en haut. En écoutant Max me raconter un peu d'histoire sur le monument, dans son anglais à l'accent allemand, je pense seulement à combien c'est cool d'être là.
J'ai remarqué que, quand je suis seule et que je visite un endroit, je pense constamment à mon prochain déplacement, je me demande si j'ai le droit d'être là, si je dérange par ma présence, si je n'ai pas compris une instruction, si je fais tout correctement, ou quoi que ce soit. Je suis plus alerte, ce qui m'empêche parfois de profiter du moment. Mais quand je suis avec quelqu'un, dont cet individu authentique que je suis vraiment reconnaissante d'avoir rencontré, je suis totalement dans le moment présent. Et là, assis avec cet ami, dans des marches de pierre vieilles de plus de 100 ans, dans le noir total avec le vent d'automne et un silence agréable, avec la vue sur la ville illuminée au loin et une bonne bière à la main, c'était un moment dont je me souviendrai.
Le dimanche matin, j'ai le droit à un bon déjeuner avec des croissants au chocolat, des charcuteries, des fromages et du pain. C'est toujours comme ça avec Max, car c'est le seul repas qu'il sait préparer. En chemin vers le Völkerschlachtdenkmal, on croise le Leipziger Muster Messe, une porte d'entrée surdimensionnée vers l'édifice de la foire commerciale de Leipzig. Il y avait d'ailleurs un Trödelmarkt (marché aux puces) qui se tenait au même moment.
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Le monument Leipziger Muster Messe.
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Pour 10 €, on peut visiter l'intérieur du monument. Le fait de grimper un escalier circulaire de 364 marches dont la largeur est exactement celle de mes épaules en valait amplement la peine. Pour rajouter à ceci, Max devait grimper la tête penchée à certains endroits, parce qu'il était plus grand que la hauteur disponible. Dans toute situation, je me dis toujours que je dois identifier un plan B en cas d'urgence, pour pouvoir évacuer facilement un lieu. Par exemple dans les stations de métros bondées, les spectacles, les stades, mais là, il n'y avait vraiment aucune issue entre la marche 1 et la marche 364. C'est à la limite un peu épeurant ! C'est surprenant à quel point c'est vaste à l'intérieur. Dans le toit sont sculptés 324 chevaliers blancs, mais je n'ai pas réussi à prendre une photo qui leur rendait honneur.
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Le Völkerschlachtdenkmal dans le jour.
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Max au sommet de Leipzig.
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Une statue énorme dans le Hall of Fame du Völkerschlachtdenkmal
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La vue de la ville de Leipzig.
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J'ai laissé papa au point le plus haut du monument dans un défaut de la pierre qui permettait à la petite lettre de Scrabble de rester sur place.
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Au sommet, nous avons aperçu Südfriedhof, un cimetière de 72 hectares qui font de lui le plus grand de la ville de Leipzig. Ça nous a donné l'idée d'y aller. En marchant dans les allées, on n'a pas vraiment l'impression de se trouver dans un cimetière creepy, mais il est interdit de courir et de faire du sport dans les allées. Plusieurs écrivains, musiciens, acteurs et architectes connus de l'histoire allemande y sont enterrés. Mais moi je ne les connais pas. Sur le chemin du retour, on a croisé plein de beaux bâtiments et j'ignorais qu'ils se trouvaient tout près de chez moi. Le plus étrange, c'était la magnifique église orthodoxe russe Gedächtniskirche, dans laquelle nous sommes entrés. Dès qu'on passe la porte principale, on entend immédiatement de la musique et on sent l'odeur de l'encens, puis on fait face à un immense mur recouvert de visages, et il n'y a presque pas d'espace.
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Au loin, la chapelle de Südfriedhof vue du sommet du Völkerschlachtdenkmal.
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Autour de la chapelle du Südfriedhof.
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Le côté sud de la chapelle.
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La Deutsche Nationalbibliothek.
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La rue du 18 octobre. Il s'en passe de grandes choses cette journée là ... !
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Couleurs d'automne derrière la Deutsche Nationalbibliothek.
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L'église russe Gedächtniskirche.
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Mais la journée n'est pas terminée, avant de cuisiner un bon steak et des
Bratkartoffeln, on a pris la voiture pour se rendre au
Cospudener See avant le coucher du soleil. Max quitte demain. Il avait un long congé en raison de la Journée de la réunification allemande du lundi 3 octobre, un
Ferientag (jour férié). On se reverra le 25 octobre quand je reviendrai à Wuppertal pour 2 nuits avant de prendre l'avion à Düsseldorf en direction de Madère au Portugal. Quelle belle ville, Leipzig.


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