Jour 153 | Des U-Boote qui n'auront jamais vu le jour
Unfertige U-Boote
À quelques kilomètres de chez moi, après un trajet en Straßenbahn, S-Bahn et bus, se trouve un lieu rempli d’histoire. Le Bunker Valentin était initialement destiné au montage de sous-marins pendant la guerre, mais il ne sera jamais achevé. Cette usine fortifiée de U-Boote, la plus grande en Allemagne, aura coûté la vie à des centaines de prisonniers de guerre qui ont travaillé sur sa construction de façon forcée dans des conditions impossibles. Ce résidu massif fait partie de l’ancien camp de concentration de Farge et son histoire cruelle marque le paysage aujourd’hui.
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On peut évidemment faire le tour du bâtiment, ce qui est déjà impressionnant en soi, mais il y a aussi une exposition gratuite à l'intérieur. J'avais lu à propos de ce lieu sur le site Atlas Obscura, qui répertorie des visites insolites à faire partout dans le monde, mais je n'avais aucune idée à quel point l'importance de ce lieu allait au delà de simplement sa taille imposante. C'est toute l'histoire de sa construction, le problème.
Plus de 10 000 travailleurs forcés provenant de partout en Europe ont travaillé sur la construction de ce bunker entre les années 1943 et 1945. Plus de 1 600 en sont morts, dû au travail difficile et aux mauvaises conditions. Les plus jeunes avaient à peine 15 ans, et les plus vieux dans la soixantaine. À l'époque, à l'est de ce bunker étaient installés cinq camps. Trois pour les prisonniers de guerre et deux pour les gestionnaires du site et les employées des compagnies de construction. Il n'y a presque plus de trace de ces camps aujourd'hui. Il y a vraiment des maisons qui sont tout près et ont comme voisin cet immense bunker laid qui ne peut être démoli, car cela coûterait excessivement cher de disposer de tout ce béton.
Au nord du bâtiment étaient situées les mixing plants, où était coulé le béton pour la construction. C'était le travail le plus ardu. Les travailleurs, sous une supervision violente constante, devaient monter des échelles avec des poches de ciment qui était plus lourdes qu'eux mêmes. J'ai trouvé l'image assez percutante lorsque j'ai lu cette citation qui accompagnait l'information : Comme un ogre jamais assouvi, la bétonneuse avale 300 sacs à l'heure, nous sommes une dizaine de porteurs. Malgré les cris, les coups, nous ne parvenons pas à la rassasier.
Le Bunker Valentin faisait partie d'une étonnante logistique de neuf bâtiments répartis entre Bremen, Hamburg et Gdańsk (Pologne) pour construire des sous-marins de guerre. Dans celui-ci devaient être assemblées les pièces, finalisant la construction. Il était prévu qu'à chaque 56 heures, un sous-marin quitterait le bunker par la baie artificiellement creusée, en direction de la rivière Weser.
En 1945, la construction fut interrompue en raison de raids aériens et deux bombes qui ont percé le toit et ont causé des dommages irréparables. Maintenant, il s'agit d'un mémorial et une partie du bunker, rénovée, sert d'entrepôt au gouvernement. Pendant des années, le peuple ignorait volontairement ou involontairement la brutalité qui s'était déroulée pendant la construction et le bâtiment était considéré comme un exploit. Il faisait figurait même sur certaines cartes postales.
Je sais, c'est un vieux bunker, c'est un bâtiment qui n'a aucun charme, il pleuvait à verse, mais quand je vois ça, je me trouve très chanceuse d'être là, les deux pieds dans mes bottes confortables, en me disant que ça n'a pas toujours été le top confort ici. Constater ce genre de chose et comment le pays, les valeurs et les gens ont évolué depuis cette période me fascine beaucoup plus qu'un coucher de soleil sur une plage. J'ai vraiment choisi le bon pays à visiter et mon pays me le rappelle tous les jours.
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