Jour 160 | Une semaine à toute allure

Eine Woche auf Hochtouren

La fin de mon séjour à Bremen approche. Je quitterai en direction de Stuttgart mardi matin. Je traverserai le pays du nord au sud pour 13,90 € avec ma best, la Deustche Bahn. Comme à toutes les fois que mon déménagement approche, je ressens l'urgence de faire plein de choses juste avant de partir. Dans la dernière semaine, j'ai essayé une dizaine de manteaux d'hiver dans une techno-vintage-kilo-sale, j'ai trouvé des curiosités sur le sol brêmois, j'ai magasiné ma prochaine Mercedes avant même qu'elle soit construite, j'ai assisté à la dernière partie de l'Allemagne dans la coupe du monde de soccer, et j'ai accompagné trois charmants allemands au Weihnachtsmarkt. 

Avec l'hiver qui s'installe, quoi que bien moins vite qu'au Québec, j'avais besoin d'un manteau d'hiver. Évidemment, je n'étais pas venue avec un manteau d'hiver en plein mois de juillet, pour le traîner pendant des mois. L'algorithme d'Instagram connaît très bien mes habitudes et m'a ciblée bien comme il faut avec la vente Vinokilo qui allait être de passage à Bremen. J'ai réservé ma plage horaire gratuitement et je me suis rendue très loin du centre, dans un genre d'entrepôt décoré pour l'occasion. Disco lights, musique techno, l'expérience de magasinage au top. J'ai essayé quelques manteaux avant de trouver LE mien. Un beau manteau long jusqu'aux chevilles, bleu marin très foncé, droit, non ajusté, 100 % en laine et fait à Berlin. Exactement ce que je recherchais. Je l'ai payé 61 €, à 45 € du kilo. On peut facilement deviner il pèse combien.

La tournée Vilokilo est une organisation qui fait le tour du pays, de ville en ville, avec des vêtements vintage qu'il est possible d'acheter au kilo.



C'était tellement une expérience de magasinage bien pensée, clairement dans mes valeurs de seconde main, en plus.


En me promenant dans les dernières journées dans ma ville, j'ai découvert d'intéressantes histoires... directement au sol. Je marche tellement depuis que je suis ici. Ma moyenne de pas depuis le 30 juin (date de mon arrivée) est de 9 390 pas par jour, ce qui correspond à 6,5 km. Il n'est pas surprenant que je remarque ces petites choses aux endroits où je mets les pieds. 

Première curiosité au sol : Les Stolpersteine sont des petits blocs de 10x10x10 cm insérés dans les trottoirs en face des endroits où résidaient les victimes des terreurs nazies. Il y en a un peu partout. Elles sont assez petites qu’on les voit rarement. Mais elles sont toujours là. Le 9 novembre, en mémoire aux victimes de la Kristallnacht, les gens sont invités à polire et nettoyer les Stolpersteine.


Deuxième curiosité au sol : Dans cette tuile qui ressemble à une bouche d'égout, on y glisse une pièce de monnaie dans la fente et on entend le son de l'un des musiciens de Brême (soit l'âne, le chien, le chat ou le coq). Quand je l'ai fait avec ma pièce de 2 centimes, j'ai entendu l'âne !

Troisième curiosité au sol : La Spuckstein est un souvenir de l'exécution de la tueuse en série Gesche Gottfried, qui a tué 15 personnes entre 1813 et 1828, principalement ses proches, en les empoisonnant à l'arsenic. Cette pierre marque le lieu où sa tête est tombée suite à l'exécution. Les gens peuvent exprimer leur dégoût envers ce personnage en crachant sur la pierre. Nils m'a expliqué que, maintenant, les gens ne le font plus, car personne ne connaît vraiment les motifs de cette femme, peut-être tentait-elle d'échapper elle-même à des situations horribles. 

Le jeudi soir, j'ai passé la soirée avec Nils, un collègue rencontré à Weserwork. C'est un journaliste freelance, passionné de sciences marines. On s'est donné rendez-vous à la statue lette de Roland, qu'il a bien défendue quand je lui ai dit qu'elle était lette. Il m'a raconté tout sur son origine et ce qu'elle représente pour la ville. Comme ce gars est intelligent ! Comment le décrire ? Husband material ! Il sait un tas de choses sur l'histoire et la culture. Il m'a fait goûter un drink typiquement allemand, le Feuerzangenbowle. C'est un procédé qui consiste à faire brûler un pain de sucre imbibé de rhum au dessus d'une grosse marmite contenant du vin chaud. Je l'ai siroté pendant une heure, pas trop certaine d'aimer ça. Mais une chose est sûre, ça m'a réchauffé tout le corps en cette soirée fraîche de novembre. Ensuite, j'ai été pognée pour en prendre un autre du même genre, un heiße Fruchtwein, encore un vin chaud. Mais qu'est-ce qu'ils ont avec leur vin chaud ? Pas moyen de boire un drink normal. Et ils aiment tous ça, ils en boivent en continu. Ça tombe sur le cœur, cette affaire là ! On a terminé la soirée au Hegarty's, le Irish pub dans le quartier Viertel. J'ai donc assisté, de façon très improvisée, au dernier match de l'Allemagne dans la coupe du monde de soccer. Leur victoire contre le Costa Rica ce soir là n'a rien changé au fait que, mathématiquement, ils allaient tout de même être éliminés parce que l'Espagne perdait contre le Japon au même moment. Une victoire amère, semble-t-il ! 

Le vendredi, j'ai accompagné Jannis, un mignon étudiant de mécanique automobile au style hipster, avec ses yeux foncés de biche, sa tuque et sa moustache. On n'avait pas trop de points en commun, mais j'ai essayé un Kakao mit Schuss, que j'ai préféré au maudit Glühwein pas buvable. J'ai esquivé une tentative de kiss devant le merry-go-round et j'ai gentiment refusé de poursuivre la soirée, la bouche pleine de mon Arabic Rollo du petit resto-take-out arabe chez Tandour. 

Et le samedi, j'ai été invitée par Sebastian, dans un endroit qu'il avait gardé secret jusqu'à maintenant. Quelle surprise ! Il y a un pub totalement inattendu dans la petite rue étroite Böttcherstraße. La crowd est très variée, autant que les chansons, passant de Despacito à Hells Bells. J'y ai d'ailleurs découvert des bonnes chansons allemandes à l'air accrocheur souvent chantées dans les bars dont Aloha Heja He, d'Achim Reichel et Pocahontas, de AnnenMayKantereit. Ce pub produit aussi sa propre bière, la Schüttinger, la meilleure que j'ai bu à date depuis mon arrivée dans ce pays. Sebastian est un matelot au QI visiblement supérieur qui étudie en ingénierie. Il a comme projet de partir habiter un an à Montréal pour y apprendre le français, à partir du mois de février. On dit souvent que les allemands sont très organisés, très planifiés. Il est l'exemple parfait. Lorsqu'il m'a invité à passer la soirée avec, il a dit : What are your plans these days ? Today, I visit my parents. Next week, I am off. Tomorrow, I have a meeting from 5 pm to 6:30 pm. The market closes at 8:30 pm. On tuesday I also have a meeting... wednesday not. So : Does it fit you to visit the Christmas market in Bremen tomorrow at 7 pm ? Donc, puisque ses plans étaient tellement bien ficelés, je me voyais mal refuser ce rendez-vous. Mais je suis arrivée en retard. Pas très allemand de ma part. 

Je ne pouvais pas quitter la ville sans visiter l'immense usine de Mercedes-Benz. Cette usine emploie plus de 12 500 personnes, ce qui en fait le plus gros employeur de la ville, même si 95 % des tâches de l'usine sont automatisées. Pour 22 €, c'était totalement justifié, quoi que... c'est pas comme si Mercedes avait besoin de mon argent, mais bon. D'abord, j'ai eu droit à la visite en anglais, avec un groupe de gens qui venaient principalement du Danemark. À bord d'un autobus, avec nos écouteurs, on se déplace entre les différents bâtiments. La superficie totale de l'usine s'étend sur 4 km carré. Nous sommes entrés à l'intérieur du press-shop (là où les feuilles d'aluminium sont pliées pour devenir différentes pièces) et du body-shop (là où les pièces sont assemblées). J'ai vu tout le processus, en partant des feuilles d'aluminium, jusqu'à un frame de SUV auquel on ajoute le toit. C'est complètement fou. Il est vrai que dans l'usine, on n'a vu presque personne, ça roule à toute vitesse, de robot en robot. Je n'ai aucune photo de cette visite, étant donné que pour des raisons de confidentialité des prototypes ou procédés, les cellulaires sont totalement interdits.

Le Mercedes-Benz Kundencenter, là où on a été reçus après la visite, pour prendre café et dessert. J'en ai profité pareil, assise toute seule dans mon fauteuil en cuir, à faire semblant de lire une revue de char, juste pour avoir mon gâteau gratuit.


Les clients de Mercedes qui se sont commandés une voiture peuvent venir la récupérer à Bremen directement à la sortie de l'usine. Ça fait partie de l'expérience de magasinage. 


Pas pire voiture pour rouler sur la Autobahn.

Et voilà que se termine mon séjour à Bremen. À chaque fois que j'y pense, je me dis que j'ai vraiment trouvé la façon de voyager qui me convient le mieux, et ce n'était pas nécessairement prévu. Je me trouve un pied à terre dans une ville d'envergure moyenne, dont les destinations autour sont assez faciles à atteindre sur de courtes distances en train. Puis, je me déplace de temps en temps pour visiter des villes autour. C'est fascinant comme c'est différent d'une ville à l'autre. Je suis très curieuse et réceptive à ce qui m'entoure donc je remarque assez vite les différences. Ça me fascine. Tous les jours. Je ne m'ennuie même pas une seconde, je ne me sens jamais seule, j'ai trop à apprendre, je suis constamment sollicitée, intellectuellement et culturellement.

Dernière marche en soirée dans le port de Bremen. Ce que j'ai aimé cette ville. Je retournerais y habiter n'importe quand.


Au revoir Bremen, mon ICE vient d'arriver. J'en ai pour 5h30 avant d'arriver à Stuttgart. Quand je prend le train, je ne fais rien. Je regarde par la fenêtre et j'écoute de la musique. Je ne travaille même pas, c'est mon moment de repos à laisser mes pensées vagabonder.

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