Jour 205 | Grossière américaine

Unhöflicher Amerikanerin

Aujourd'hui, j'ai atteint un tout autre niveau dans mon intégration allemande. Je me suis fait une ennemie. En fait, c'est plutôt quelqu'un qui a fait de moi son ennemie. J'y vais avec humour pour ne pas teinter mon blog des sautes d'humeur d'une personne largement insignifiante.

Vendredi, 18h, c'est la fin de ma journée de travail. Je suis chez Beehive, mon espace de coworking auquel je vais tous les jours depuis trois semaines, et que je fréquentais aussi en juillet. Avant de retourner à la maison, je me dis que j'ai encore une petite heure de productivité pour faire quelques devoirs pour mes cours d'allemand. Dans la pièce se trouve un gars ben chill qui ne parle à personne et... la reine. Oui, the queen herself ! Je reçois un appel auquel je répond. Un appel que je sais ne durera pas très longtemps. Je suis assise sur le divan, les jambes pliées sous moi, avec mes petites Gazelles blanches d'intérieur, comme je le fais souvent. 

Preuve de l'infraction

J'étais tellement sous le choc qu'une personne se permette de me parler d'une façon aussi méchante et démesurée que j'ai à moitié oublié les insultes qui m'ont été balancées par cette fille que je n'avais jamais vu auparavant. Une fille un peu plus jeune que moi, qui ressemble à toutes les autres filles qui n'ont aucun trait distinctif, aucune vibe et aucune âme. Comme une galette de riz fade oubliée dans le fond du garde-manger. Voilà. Je ne pense pas que je la reconnaitrais dans la rue. Ni même chez Beehive le lendemain. Je l'avais juste remarqué aujourd'hui, car elle était bruyante comme un bulldozer avec ses bottes lettes et sa démarche de petite girl-boss au sourire inexistant like she owns the world.

Faits reprochés : avoir répondu au téléphone et être assise avec mes souliers d'intérieur sur un divan, un vendredi soir à 18h, dans un espace de coworking vide.

  • The way you stand, the way you sit on the couch is totally degrading. Bon, on repassera pour le choix du mot dégradant, parce que je ne me souviens pas avoir eu une grosse pizza dans les mains et une Budweiser dans l'autre. 
  • We are not in the US here and the way you behave is totally unacceptable and typically american. No really, on est pas aux States ? Düsseldorf, Ohio non ? D'abord, je ne suis pas américaine, et deuxièmement, c'est quoi ce genre de racisme envers les américains ! 
  • What you do is awfully non-cultural and shocking. Non mais t'es qui ? La Polizei de l'étiquette allemande ? Je pense que c'est ce commentaire qui m'a le plus choquée. Je fais tellement d'effort pour m'intégrer ici une étape à la fois. J'aime tellement l'Allemagne, qu'on ne vienne pas me dire que je ne respecte pas la culture du pays. C'est non.
  • I'm sure everybody here feels this way and won't dare to tell you but I do because I'm not afraid to let you know how disrespectful you are. Mais bien sur, il y a probablement eu un consensus à propos de mon comportement inexcusable, par tous les autres gens qui fréquentent Beehive et qui ont un balai dans le derrière comme elle. C'est à dire, zéro.
  • I will never ever sit on this couch again since you've been there with your dirty shoes and I saw you playing with your pencil while on the phone and the pencil even touched the couch. Bon, ca y est, j'ai dépassé les bornes... mes souliers et mon crayon ont touché le divan. Il ne fallait surtout pas que ça arrive. D'un autre côté, c'est quand même un bonne chose, car maintenant, une personne de moins va occuper le divan. Il sera plus souvent disponible pour moi et mes souliers.
  • I never saw anyone behave like this ever in a public place where there are rules. Quelque chose me dit que tu ne sors pas très souvent de chez toi ? 
Le tout, avec un regard qui me scrute avec dégoût et une intonation digne des plus grands clichés de la fille mean qui en bully une autre. Suis-je vraiment en train de me faire traiter de dégradante américaine par une useless nobody ? En gros, je me suis fait déblatérer ces insultes en un seul et unique monologue sans pouvoir placer un mot. J'étais sous le choc. Comment est-ce possible ? Et à quel point je suis fâchée contre moi de ne pas avoir le vocabulaire nécessaire en anglais pour me défendre et l'envoyer promener. Ça existe des cours d'autodéfense en langue étrangère ? Tout ce que j'ai pu sortir : Are you kidding me ? I'm sorry you feel this way, but I don't care very much about what you think is disrespectful. I just hope you still enjoy your evening despite my shocking attitude. Mais son power-trip n'était pas terminé, elle m'a répété au moins cinq fois qu'elle était à Beehive depuis plus longtemps que moi. Achso... mais le voilà le problème ! Je pense qu'elle n'est pas trop contente de voir une new girl arriver dans le décor et avoir déjà plein d'amis dans cet espace. C'est clair qu'une aura invisible et une attitude de Scheiße, c'est pas la meilleure carte de visite pour du networking.

Les gens ont souvent le préjugé que les allemands sont froids, directs et pas amicaux. Mais c'était vraiment la toute première fois que je le constatais en plus de 6 mois. Dans le fond, le choc culturel, c'est plutôt moi qui l'a vécu. Aucun québécois ne s'adresserait de la sorte à un parfait inconnu dans un milieu professionnel pour une pareille stupidité. Puis, on m'informe que cette fille n'est même pas d'ici. Je me suis fait donner une leçon de culture, par une fille qui ne fait même pas partie de la culture. C'est un peu comme si j'allais en Inde, donner une leçon de culture à un mexicain en lui reprochant de se comporter comme un chinois. Du gros non-sens. J'ai quitté le coworking en lui souhaitant de trouver un peu de bonheur. Comme ça doit être énergivore d'être angry against the world comme ça... Bref, je viens de monter de niveau dans mon intégration. C'était ma première chicane ! 

C'est ainsi que je signe ce billet avec les pieds sur divan, sans aucune honte.

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