Jour 218 | A1

A1

En décembre, pendant que j'étais dans la ville laide de Stuttgart à compter les jours avant de revenir à Düsseldorf, j'ai fait des recherches sur des écoles de langues. J'ai trouvé une école privée, avec un site web super laid, mais des prix raisonnables et des centaines de bons commentaires sur Google. J'ai appelé et j'ai passé le test de placement en ligne. J'ai été classée de niveau A 2.1, mais je me suis inscrite dans le niveau inférieur, le A.1.2. Je voulais quand même me donner une chance de commencer sur des bonnes bases.

Au rythme où je vais (intensif), chaque niveau dure quatre semaines et coûte 399 €. Les niveaux sont les suivants :

  • A1.1 
  • A1.2 Le cours dans lequel je me suis inscrite.
  • A2.1 Le résultat de mon test de placement.
  • A.2.2
  • B1.1
  • B1.2 Le niveau que j'aimerais terminer d'ici le mois de juillet.
  • B2.1
  • B2.2. Niveau réaliste que j'aimerais compléter un jour.
  • C1.1
  • C1.2
  • C.2.1
  • C.2.2 Là où je veux me rendre un jour pour pouvoir impressionner les gens avec ce nouveau skill.
C'est ainsi que j'ai commencé, le 9 janvier, mes cours intensifs de langue. Chaque matin, du lundi au vendredi, je quitte mon appartement et je marche pendant 30 minutes sur Oststraße en direction de la Sprachschule Aktiv, avant même le lever du soleil. C'est situé au 4e étage d'un bâtiment et je n'ai jamais pris l'ascenseur. Premièrement, l'ascenseur est aussi gros qu'une armoire à chaudrons. Deuxièmement, ich halte mich gesund ! Les murs sont blancs et l'éclairage dans la classe est reposant. L'ambiance n'est pas à tout casser, mais c'est correct.

Illich, Virginia, Maja, Claudia, Buse, Leslie, Jose, Arezou et notre professeure Anita au centre.

Sur le chemin de retour, entre mon école et mon Beehive, pendant qu'il faisait -46 au Québec.

De 8h à 11h15, je suis dans la salle de classe, avec neuf autres étudiants venant de plein de pays, dont la moitié parlent espagnol. Nous avons tous l'anglais en commun, sauf Virginia, qui ne parle que l'espagnol. On n'aura donc pas le choix de faire des progrès en allemand si on veut devenir des amies. 
  • Il y a Maja, de la Croatie, une artiste avec une énergie unique qui manque toujours un cours sur deux parce qu'elle gère sa vie et ses rendez-vous. Je pense qu'elle m'a bien aimé dès le premier jour. Moi aussi ! 
  • Il y a aussi Buse, de son joli prénom turc qui veut dire bisou. Elle apprend l'anglais en même temps que l'allemand. On est allées prendre un café, parce qu'elle avait envie de parler anglais avec quelqu'un. On se comprend bien.
  • Leslie, qui vient du Mexique, et qui parle bien le français, car elle a habité deux ans à Paris.
  • Illich, un gars du Mexique très intelligent et bon vivant.
  • Il y a Ali, un gars de Turquie très studieux, qui fait ses travaux d'équipe avec Arezou, de l'Iraq, une programmeuse toute douce et sympathique.
  • De la Colombie, il y a Virginia, une grand-maman de 69 ans, belle et jeune de cœur, et de l'Espagne, Jose, un gars un peu timide avec qui ne j'ai pas trop eu l'occasion de parler.
Buse, Leslie, Maja et moi.

Buse, Leslie, Arezou, Illich, Maja, Virginia, Moi et Jose.

Ma professeur s'appelle Anita. Elle est toujours souriante, et elle parle très clairement. Dans les premières minutes, je me suis trouvée tellement poche et j'ai eu peur ! Dans le cours, toutes les explications sont en allemand, même les règles de grammaires. Au début, j'ai trouvé que les gens qui avaient déjà fait le cours A1.1 semblaient avoir plus de facilité, mais je pense que je m'en sors franchement bien. J'ai pris mes aises après le premier cours, et j'arrive quand même à comprendre. Je n'ai jamais raté un seul cours, je ne suis jamais arrivée en retard, je n'ai jamais loupé aucun devoir. Je suis dédiée comme jamais à ce nouveau projet pour ma culture personnelle. De toute façon, personne ne me force à être là, je le fais pour moi. Amenez-en des Hausaufgaben ! En fait, j'aimerais en avoir beaucoup plus. Et parler beaucoup plus. L'apprentissage d'une nouvelle langue n'est pas supposée être facile. J'ai envie de me casser la tête et d'avoir de la difficulté. 

J'ai trois livres, un livre de théorie, un livre d'exercice et un livre de grammaire. Parfois, les exercices sont tellement stupides que je ne les comprends même pas. Un jour, dans le chapitre où nous apprenions les métiers, il fallait écouter des sons, et les associer aux bons métiers. Veux tu rire ? Est-ce qu'on cherche à mesurer ma capacité à distinguer un bruit d'hélicoptère à celui d'un avion, ou est-ce qu'on veut juste que je sache qu'un pilote hélicoptère, ça s'appelle un Hubschrauberpilot ? Ce genre de connerie me rappelle nos cours d'anglais au primaire, quand il fallait écouter un jappement de chien et dire que c'était un dog. Je ne peux pas croire qu'on me fasse subir encore cet exercice à 33 ans. À un moment, j'ai regretté de m'être inscrit dans un niveau plus bas que mon test de placement, je pense que je n'aurais pas eu trop de difficulté à commencer directement dans le A2, quitte à rattraper un peu de retard en grammaire de façon autonome. Plus le cours avance, plus je m'ennuie, passant d'un exercice trop facile à un autre aussi trop facile. Ça doit être bon signe.

En plus de mes trois livres, je traîne aussi avec moi un tout petit cahier de notes vert fluo. Dans ce cahier, je note toutes les expressions drôles que mes amis et mes dates m'apprennent. Robin m'a appris des jurons et des insultes, comme Halt die Fresse ou Verpiss dich ! Christian, mon collègue que je vois tous les jours, m'a appris à flirté avec Hey du, kommst du öfter her ? Du bist die einzige für mich. Il m'a aussi appris que les allemands qui haben die Sau rausgelassen callent leur bière d'un seul coup sur Ex und Hopp, Rin in Kopp ! Tommi m'a appris à ne pas rater des occasions, sans quoi Der Zug ist abgefahren. Ce petit cahier est une mine d'or pour impressionner les gens sans qu'ils s'en attendent. Si je sors ces expressions dans mon cours de langue, on va me faire monter de 4 niveaux d'un coup. 

Mon fameux petit livre de catchy phrases.

Je m'étais réinscrite dans cette école pour commencer le niveau A2, malgré une augmentation de 25 % du prix, passant de 399 € à 499 € pour quatre semaines de cours. Ça demeurait tout de même un prix raisonnable. Mais, un samedi, alors que j'étais tranquillement chez moi à faire la grasse matinée, nous avons reçu dans notre groupe WhatsApp regroupant tous les étudiants du cours, un message on ne peut plus inapproprié de la part du propriétaire de l'école. Le message va comme suit : 

I'm looking for a woman... ! 
Overworked language school owner is looking for a woman who would like to clean the kitchen, hallway and toilet area of the school for about 1 to 2 hours from Monday to Thursday in the evening from 6:30 p.m. and on and do some shopping in the supermarket.
Remuneration : 12 euros per hour.
A later marriage is not excluded.
If you think you are that woman, please send me a WhatsApp message with the tag "Ms. Proper"!

Je suis sur le cul ! Le pauvre homme s'est-il trompé de groupe et il a mis son annonce pour un site de rencontre par mégarde sur notre groupe d'étudiants ? Est-ce que c'est une blague ? Est-ce que c'est commun dans la culture ici de s'adresser de la sorte à ses étudiants / clients ? D'abord, I'm looking for a woman, pourquoi ? Un homme peut aussi très bien faire le travail. Later marriage not excluded ? Voyons c'est complètement insensé ! Est-ce qu'il essaie d'être drôle ? Mais qui a un humour aussi twisted en 2023 pour écrire ce genre de chose à un groupe de jeunes étudiants, dont la majorité sont des femmes, entre 20 et 35 ans... Je pose la question à mes collègues dans une autre conversation que nous avons. Il semble que non, ce n'est pas une blague, cet homme est un vrai tordu. 

Mon collègue Illich lui répond en lui mentionnant que ceci est totalement inapproprié et lui suggère de retirer ce message. Ce à quoi le directeur répond : Why should I... ? Some people need to earn some money. Maybe not you. And I am looking for somebody who wants to earn some money. Don't bother, I didn't ask you personnally to do that job. And by the way... Do you know why things work... ? It's because people work. Jose ajoute qu'il n'a pas non plus trouvé l'annonce drôle, mais plutôt irrespectueuse. Il a aussi droit à un autre beau message de la part du vieux cochon : Why is cleaning and earning money disrespectful... ? I don't know who is cleaning in your country, but I am quite sure that some people do it. At least I hope so... [...] Only people with rich parents tend to call some kind of work disrespectful... which actually shows that they don't respect people who are doing the cleaning work. 

Ok, là, c'est nous le problème, on est tous des enfants de riches. Franchement ! Ici, on s'entend que le problème n'est pas l'offre d'emploi en soi. Il n'y a pas d'emploi dégradant. Le problème, c'est plutôt la façon dont elle est composée et véhiculée. Toute personne sensée voit le problème gros comme le monde ! Mais le gars joue la carte de l'innocence, comme si nous étions offusqués par l'offre d'emploi en tant que tel. Non non, qu'il se détrompe. Non seulement, son annonce est dégueulasse, mais la façon dont il répond à ses étudiants l'est tout autant. Comme un vieux bébé en chicane. Plus les jours avancent, plus les choses escaladent. Arezou a osé laisser un avis négatif sur la page de l'école, et elle a été kicked out du groupe WhatsApp où se trouvent toutes les informations par rapport à nos cours, comme les notes de cours et les devoirs. Franchement, elle est quand même encore étudiante. Elle a payé pour ce service, et le vieux bébé en chicane veut juste se venger. 

Nous ne pouvons rien faire. À qui rapporter ce comportement totalement sexiste et non professionnel ? Nous sommes un groupe d'étudiants étrangers avec aucune connaissance du système et avec aucun réseau de contacts. Je sais très bien qu'au Québec, une annonce de la sorte serait sortie dans les médias assez vite et la réputation de l'école serait ruinée en quelques heures. C'est bien ce que je lui souhaite. Comme il se fout bien royalement de la qualité de l'expérience client, mais qu'il pense bien fort à son argent, la meilleure chose que je peux faire dans cette situation est me désinscrire de ce cours et de garder mes 499 € pour moi. Je ne supporte pas du tout une entreprise dont le propriétaire est un homme de ce genre. Pour moi, ce n'est pas une façon de faire de la business. 

Donc, c'est ainsi que je me suis vite retrouvée dans la même situation qu'en décembre : à la recherche d'une école de langues. J'en ai visité deux. L'une d'entre elle, L.A.N.E.S. avait l'air un peu en bordel, avec des groupes allant jusqu'à 20 personnes, et coûtait deux fois moins cher. Ça en dit long sur la qualité de l'enseignement. Selon moi, c'est trop de participants. Ça limite les interactions. La seconde, Rheinisches Bildungsinstitut m'a fait bonne impression. Lorsque j'ai appelé à cette école, l'homme à la réception ne parlait pas un mot d'anglais. J'ai donc été prise par surprise et j'ai été dans l'obligation de m'exprimer en allemand. Avec succès, j'ai obtenu toutes les informations nécessaires et j'ai complété mon inscription. Ali et Arezou ont fait aussi de même et nous nous sommes tous les trois inscrits dans le cours A2. On débute le 13 février et les cours se déroulent de 9h à 13h, du lundi au jeudi, dans un local qui est beaucoup plus spacieux, littéralement à deux pas de mon espace de travail. 

Entre temps, j'ai eu mon premier examen de niveau le jeudi 2 février. Avec zéro préparation, pas de bourrage de cerveau, j'ai réussi toutes les sections Hören, Schreiben et Lesen avec la note globale de 59/60. C'était tellement facile que ça m'a presque fâchée, c'est pas normal. Un examen est supposé valider ce que j'ai appris dans le cours, ma note est supposée être représentative de ma compréhension. Toutes les choses intéressantes vues en classe qui ont piqué ma curiosité, comme la construction des phrases, les Modalverben, le Präsens et le Perfekt, les Präpositionen, les Artikel féminins, masculins et neutres, le Dativ, Akkusativ, Nominativ, rien n'en faisait partie. Au fond, ça fait sept ans que je ne suis pas allée à l'école, mais rien n'a changé. Je suis encore aussi studieuse et c'est toujours la même histoire : je pense que je vais avoir une note de marde, mais je fini avec une note presque parfaite. 

TELC = The European Language Certificates

J'ai envie d'apprendre comment ce langage est construit. L'apprentissage de l'allemand est très logique, et ça satisfait drôlement mon côté cartésien. Il y a une raison pour tout, sauf pour les Artikel, qui sont pas mal random, mais ça c'est comme en français aussi ! Mes préférés, ce sont les Komposita, maudit que j'aime ça ! C'est la raison pour laquelle les mots allemands sont si longs. Ce sont plusieurs petits mots qui, collés ensemble, n'en forment qu'un. Par exemple, si on décortique le mot Kraftfahrzeughaftpflichtversicherung, on obtient :
  • Versicherung : Assurance
  • Haftpflicht : Responsabilité
  • Zeug : Chose
  • Fahr : Conduire
  • Kraft : Pouvoir
On en comprend donc que le mot Kraftfahrzeughaftpflichtversicherung signifie une assurance responsabilité pour les choses qui se conduisent avec un pouvoir. Donc, une assurance auto ! C'est merveilleux comment ça fait du sens ! D'autres mots courants sont aussi des Komposita, dont la traduction littéraire est mignonne : 
  • Kühlschrank = Armoire à froid = Réfrigérateur. 
  • Schildkröte = Crapeau à bouclier = Tortue. 
  • Krankenwagen = Voiture à maladie = Ambulance. 
  • Et plusieurs autres qui me font rire chaque jour !
L'autre aspect que j'aime aussi beaucoup, ce sont les nombres. Au lieu de se demander où va le trait d'union, tu colles juste tous les chiffres ensemble et ça donne un super mot : zweihundertdreiundneunzigmillioneneinhundertfünfundachtzigtausendneunhundertvierundsiebzig = 293 185 974. Aussi, les nombres de 21 à 99 sont inversés. On dit dreiundzwanzig (trois-et-vingt et non vingt-trois) ou achtundfünfzig (huit-et-cinquante et non cinquante-huit). C'est tellement fascinant !

La fin du niveau A coïncidera avec l'arrivée de maman, au début du mois d'avril, date à laquelle j'aurai déjà appliqué pour un second visa. Je le demanderai au moins jusqu'en décembre 2023, question d'avoir complété le niveau B2 et d'avoir une connaissance intermédiaire de la langue. Et comme je ne tiens pas tant à revenir au Québec en plein Schneesturm, je le demanderai pour une autre année complète, un coup parti, jusqu'en juin 2024. Il ne faudrait surtout pas que je perde ça à mon retour au Québec ! C'est fou comme j'aime la façon dont mon voyage évolue, alors que rien de tout ça n'a été préparé d'avance.

Commentaires

  1. Magnifique chère Claudia, que de détermination! Bonne continuation.

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