Jour 263 | Journées culturelles

Kulturtage

Düsseldorf est une ville connue pour sa scène artistique et culturelle. Au printemps, j'ai eu la chance de me retrouver dans des lieux tout indiqués pour vivre certaines expériences culturelles. Fait étonnant, je ne serais pas tant attirée par ce genre de visite au Québec, mais ici, c'est différent, je sais pas pourquoi. J'ai envie de ne jamais refuser d'occasion de voir et expérimenter tout ce que je peux. Si jamais je reviens au Québec, j'essaierai d'être plus ouverte à ce genre de chose. Mais j'étais tellement tannée d'aller à un endroit à Rimouski et de connaître tout le monde. Ça fait un bien fou d'être la parfaite inconnue ici. 

Mon ami Christian, c'est le meilleur. Il est toujours partant. Il est curieux à propos de tout, un peu comme moi. Il avait prévu d'aller voir un concert avec son amie, ou plutôt sa lover non officielle. Je me suis invitée en plein milieu du duo pour aller voir ça aussi. C'était au Kunstpalast de Düsseldorf, un genre de complexe culturel avec des expositions et des spectacles. Son amie est musicienne, elle a étudié dans cette discipline et joue de la clarinette. À l'entracte, elle m'expliquait certaines particularités à propos des types de clarinettes (A et B) et la raison pour laquelle il y avait une personne assise à côté du pianiste pour tourner les pages. Je me suis dit que je serais bonne pour faire ce job pas trop compliqué. Mais dans le quart de seconde suivant cette idée, j'ai réalisé que c'est ben plus compliqué que je ne le pense, il faut toujours bien savoir lire la musique, ce qui n'est pas mon cas. Ça ferait un pareil concert désaccordé. Les musiciens Ottensamer, Koncz et Traxler jouaient les pièces méconnues de compositeurs connus, comme Beethoven, Zemlinsky ou Brahms. Mon manque de connaissance dans la musique purement classique fait que je ne distingue malheureusement pas les morceaux, comme si le concert était une seule longue pièce de deux heures.

La salle du Kunstpalast n'est pas à tout casser en terme d'architecture, mais c'est surtout les événements qui s'y produisent qui sont remarquables et différents. La programmation est plutôt de type répertoire.

Mon billet pour le concert d'un trio de deux clarinettistes et un pianiste.

Autre moment culturel. Quand j'étais à Stuttgart en décembre, je me suis fait le cadeau d'acheter un billet pour le concert du pianiste Martin Herzberg le 18 février au Tonhalle de Düsseldorf. Je ne connaissais pas du tout cet artiste, mais j'avais envie d'un concert classique dans cette salle magnifique. Lorsqu'on veut n'acheter qu'un seul billet, le choix de bonnes places est beaucoup plus facile. Après deux mois, la date du concert est finalement arrivée. C'était comme mon cadeau de Noël à moi de moi qui arrivait enfin. Le Tonhalle est une salle de plus de 1800 places proche du fleuve, entre la vieille ville et le quartier Pempelfort, avec un immense dôme vitré au dessus de nos têtes. L'ensemble de l'architecture a été utilisée tout au long du concert, avec des effets lumineux sur les murs et le dôme, en harmonie calculée avec la musique. À un certain moment, j'ai pensé très fort à papa, qui devait entendre tout cette belle musique et voir tout ça de son point de vue. Que c'était beau. Il y avait de minuscules points de lumière qui apparaissaient ici et là au travers du dôme, pour intensifier les notes du piano. Ça ressemblait à des étoiles. Ça m'a rempli tout le corps d'émotions. Martin Herzberg n'est pas le pianiste ordinaire, il était accompagné de 4 jeunes au violon et à la contrebasse, qui font la tournée avec lui. Après l'entracte est arrivé un moment clé du spectacle. Un grand jeune homme à l'allure de rappeur, tout vêtu de noir avec ses espadrilles blancs, est arrivé sur scène de la façon la plus normale qui soit, sans cérémonie, sans avertissement, sans prétention. Et il s'est mis à faire du beatbox pour accompagner le piano et les violons. Je n'ai jamais entendu rien de tel. Du beatbox et du classique, c'est comme le mélange parfait auquel personne n'a jamais pensé. Tout y était, de sa manière d'entrer en scène, à sa manière de bouger, son aisance sur la scène et sa parfaite symbiose avec tout le reste, ça a amené le jeu des musiciens à un tout autre niveau. À partir de mon balcon, j'avais une vue en plongée directement du bon côté du piano, et à la fois sur l'ensemble de la salle. Et pourtant toute seule dans cette immense pièce remplie de musique et de gens, je ne me sentais pas du tout seule.

Le grand hall au centre du Tonhalle, où les gens prennent un verre avant d'entrer dans la salle. 

L'impressionnant toit de verre, vu de l'arrière scène.

Toujours à la découverte de l'offre artistique à Düsseldorf, Christian et moi se rendons de nouveau au Kunstpalast. Cette fois, pour une exposition de l'artiste Refik Anadol intitulée Machine Hallucinations. J'en avais entendu parler parce que je suis ciblée par un peu toutes les offres d'activités à faire à Düsseldorf. En plus de celle-ci, il y avait aussi l'exposition Mehr Lichtun rassemblement de croquis, d'essais et d'œuvres non finies par des artistes à l'époque de la Renaissance, qui exploraient les différentes représentations de la lumière en peinture et dessin. Au cours de l'exposition, on peut lire : What did the public desire from the painters of the nineteenth century ? Blue skies. What bored the painters of the nineteenth century ? Blue skies. Ils recherchaient quelque chose d'autre : de la mauvaise température, des nuages, des tempêtes. Let's get out of here ! Disaient-ils, voulant quitter les théories artistiques pour explorer le monde en pratique. Die großte Sehenswürdigkeit, die es gibt, ist die Welt. Sieh sich dir an. Autrement dit, le plus grand spectacle qui soit est le monde, regarde-le.

Christian et moi en route vers le Kunstpalast. On était si coordonnés qu'on s'est croisés directement dans le tramway en chemin. 

Refik Anadol est un artiste multidisciplinaire turque, un pionnier de l'intelligence artificielle. Données, pixels, calculs et algorithmes mènent son travail. Ses œuvres sont comme un environnement hybride entre l'art, la science et la technologie. Des données normalement invisibles deviennent visibles, par nous, les visiteurs qui admirent. Refik Anadol a utilisé plus de 300 millions de photographies de la nature et les a collectionné pendant trois ans, constituant une base énorme et variée pour l'aboutissement de son projet. Un algorithme précis utilise ces photos pour peindre, en mouvement, des œuvres qui ressemblent à la nature mais qui n'existent que dans les rêves d'une machine. Le circuit était relativement court, nous l'avons fait deux fois. Il est possible de voir le rendu des œuvres en mouvement sur le site Web de l'artiste.

L'exposition Mehr Licht.

Toujours Mehr Licht.

À l'entrée de l'exposition de Refik Anadol, un circuit multimédia aux plafonds très hauts.

Les oeuvres en mouvement sur les écrans étaient accompagnées de musique un peu dramatique.

Cette œuvre sur un immense écran, produite par l'intelligence artificielle, bougeait constamment. De par sa configuration, elle ne formait et ne formera jamais les mêmes motifs.

Pretzel et bières pour discuter ensemble de nos impressions sur les expositions, tels de grands critiques d'art moderne.

Plus tard, à mon tour de faire vivre à Christian une expérience culturelle et culinaire. Quelques jours avant, j'avais reçu des sachets authentiques de sauce à poutine de la part de mon ami Guillaume, qui s'était dédié à la tâche comme un vrai québécois. Les poutines me sont même parvenues dans un papier bulle pis toute, directement à Oberbilk, au coût de 25 $ de shipping. Ça revient cher du sachet de 50g. J'avais promis à Christian une soirée de poutines avant qu'il ne reparte à Chypre. Ensemble, on va souvent chez Frittenwerk, le petit resto take-out près du travail où ils servent des fausses poutines du Québec qui goûtent et ressemblent à tout sauf à la poutine. Le plus gros problème, c'est trouver le fromage. J'ai fais des recherches et le fromage qui ressemble le plus au fromage à poutine du Québec, c'est... le Babybel ! À la recherche de l'expérience la plus québécoise possible, Christian a même tenu à mettre du sirop d'érable sur sa poutine. Je l'ai laissé faire comme un grand. 

Alt Bier, St-Hubert, Babybel et sirop d'érable, sur fond de tounes de Karneval.

Sachets de poutine tout droit importés du Québec.

Je suis toujours satisfaite de mes visites dans des musées modernes, beaucoup plus que dans des châteaux ou des musées traditionnels dont les expositions ne changent jamais. Par exemple, l'an dernier, le Rijksmuseum d'Amsterdam ne m'avait pas tant impressionnée. Sa grandeur oui, sa réputation aussi, mais pas nécessairement le contenu. Je préfère les musées qui présentent des expositions qui sont vraiment conçues pour s'attarder au contenu. Certains éléments d'une même exposition peuvent ne pas me toucher du tout, mais d'autres m'inspirent. Découvrir l'art, ses démarches et ses raisons, c'est aussi un voyage qui m'amène ailleurs. 

Commentaires

  1. Magnifique, que de beaux moments si bien présentés Claudia. Bonne continuation xx

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