Seelenfrieden am Bodensee
Après mon court séjour à Innsbruck, en Autriche, j'avais choisi de me rendre tranquillement vers la France, où je rejoins mon ami Fred à la fin du mois. L'automne dernier, Max et moi avions traversé le lac de Constance (Bodensee) pour se rendre en Suisse et je me souviens combien c'était beau. J'ai donc décidé de m'y arrêter plus longtemps qu'un trajet de ferry. Je prend encore un vieux maudit train qui me ramène en Allemagne. Le même genre que celui qui m'a amenée en Autriche, avec les réservations de sièges écrites sur des papiers. Je me trouve une cabine de 8 sièges qui n'est pas réservée. Wow, j'ai même une petite tablette pour travailler, une grande fenêtre et toute la place pour mon bagage.
Après deux changements, à Lindau-Reutin et Friedrichshafen, j'arrive dans le village de Uhldingen-Mülhofen. Un tout petit village sans fla fla, sans rien de particulier à faire. Mon Airbnb est situé à égale distance entre le lac et la gare, soit environ 15 minutes à pied d'un bord et de l'autre. C'était pas mal ça l'important pour pouvoir faire tout ce que j'avais envie de faire dans la région.
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Le Bodensee, à la hauteur de Lindau, aussi magnifique que dans mes souvenirs d'automne.
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L'hôte m'avait proposé de venir me chercher à la gare, avec sa Mercedes Klasse A. Au nombre de fois qu'elle m'avait mentionné la marque de la voiture, je me suis dit qu'il y avait de quoi en être fier. Je m'attendais presque à avoir un majordome avec des ti gants blancs qui m'ouvre le coffre pour que je puisse déposer mon gros backpack mauve. Klasse A, ça sonne pas mal haut de gamme. Je vais faire un tour de Mercedes Klasse A, yes ! Je fais le saut, c'est une petite voiture grise, toute sale et toute poussiéreuse. Avec une madame à l'intérieur, marabout, au teint gris comme sa voiture et tout aussi poussiéreuse que celle-ci.
Malaise, elle ne parle pas du tout dans l'auto, et moi j'essaie de faire la conversation. En allemand, ça marche pas. Ok, peut-être qu'elle ne me comprend pas ? En anglais, non plus. Ok elle est vraiment juste bizarre. Elle avait juste hâte d'en finir avec moi, sûrement que j'étais trop souriante pour elle. Elle me fait des suggestions avec sa voix monotone dans le voisinage, en passant devant les commerces. Hier können Sie Postkarten kaufen. Hier ist die Apotheke. Ah ben oui, cartes postales et pharmacie : Natürlich, alles was ich brauche ! Le Airbnb est vieillot, mais pas vieillot avec du cachet, juste vieillot mal entretenu. Dans le style de : les armoires claquent et grincent, il y a des pots-pourris comme centre de table, la poubelle est un petit panier en osier avec un sac de chez DM dedans. C'est laid laid laid.
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Pouet pouet, c'est la première fois que je tombe sur un logement aussi laid. |
Bon, pas une seconde de plus dans cet appartement laid, c'est au lac que je m'en vais ! Il n'y a pas beaucoup de gens dans cette communauté, j'ai donc amplement le choix de bancs pour m'assoir face au lac et ne rien faire. C'était ça, ma soirée. Regarder et entendre l'eau. Regarder et entendre les zeppelins qui passent au dessus de ma tête. Dans la ville voisine de Friedrichshafen siégeait autrefois l'entreprise Zeppelin Luftschifftechnik GmbH et s'y trouve maintenant un musée dédié à l'histoire des zeppelins. C'est surprenant qu'on ait un jour pensé que c'était un moyen de transport révolutionnaire. Il me semble que ça va tellement lentement, c'est immense et ça transporte genre 4 personnes. Le ratio du nombre de passagers par mètres cube d'hydrogène est du gros gaspille à mon goût. Je ferais zéro confiance à ce genre de machine, mais elles me fascinent tellement c'est peu commun. Par curiosité, je me suis informée à combien s'élevait un tour de zeppelin au dessus du Bodensee : 290 € (soit environ 430 $) pour un vol de 30 minutes. D'après-moi, une coupe de personnes étaient intoxiquées à l'hydrogène lorsqu'est venu le temps de décider de la tarification.
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Le quai du village de Uhldingen
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Sur mon petit banc très confortable, face au lac. Le même petit banc où j'allais à toutes les fois que je passais du temps au quai d'Uhldingen. |
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Tous les jours, différents ballons dirigeables volent au dessus de ma tête. C'est d'ailleurs dans la ville de Friedrichshafen qu'a eu lieu le vol inaugural du tristement célèbre ballon dirigeable Hindenburg, détruit par un incendie en 1937 lors de son atterrissage au New-Jersey un peu plus d'un an après sa mise en service. |
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Le printemps au bord du lac. |
Le lendemain matin, je consulte les horaires de bateau en me réveillant. À 10h30 au départ de Friedrichshafen, un bateau se rend sur l'île de Lindau. 11,20 €, c'est pas cher pour une croisière de 1h25. De mon logement, je marche vers ma station de train, tout en me remémorant avec plaisir que Das Deutschlands Ticket is da ! Oui ! On est en mai et je peux voyager dans tout le pays (partout partout) pour 49 € par mois sans me casser la tête (sauf avec les trains ICE). Ça, c'est d'une simplicité sans pareil. Je l'avais acheté hier entre deux gorgées de jus d'orange au déjeuner. Même pas eu le temps d'avaler ma p'tite tranche de jambon que c'était fait, ticket en main. Quand je vois que les gens font la file dont le temps d'attente se compte en années-lumière aux Reisezentrum de DB dans les gares principales pour en faire l'achat, je ne peux pas m'empêcher de me demander ce qu'ils n'ont pas compris. T'as juste à télécharger l'app DB Navigator, cliquer sur le 49 € ticket, entrer ton IBAN et cliquer sur Jetzt kaufen. That's it. Moi, je trouve que DB, c'est la vie ! J'ai même acheté une casquette tsé.
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Personne ne peut être plus fier que moi d'arborer la casquette aux couleurs de la DeutscheBahn. |
Bref ! Arrivée à Friedrichshafen, j'ai pas trop compris comment j'aurais pu acheter mon billet sur place, il n'y avait carrément personne nulle part dans un quelconque kiosque. J'ai posé la question à une dame avec un dossard sur le quai, avant de réaliser qu'elle ne travaillait pas pour les bateaux, mais qu'elles était juste une ambulancière en pause. Tant pis, je l'achète en ligne cinq minutes avant le départ sur le site de Bodensee-Schifffart. Go.
Quel paix ce lac. J'adore son nom. Bodensee. Lac de Constance. Pour moi, ça veut dire plein de chose. S'ancrer, avoir les deux pieds sur terre, réaliser où je suis et ce que je fais, être en cohérence, consciente et constante dans ce que je veux être et devenir. J'aime ce lac sur tous ses aspects, ça ne s'explique pas. Il est situé à la frontière entre l'Allemagne, la Suisse et l'Autriche. Il s'étend sur 63 km de long et la piste cyclable Bodensee-Radweg fait le tour du lac en 260 km. Je me suis trouvée un petit banc sur le côté du bateau, à l'écart des monsieurs et madames stressés qui voulaient absolument avoir un siège sur le devant ou l'arrière du bateau et commander le plus rapidement possible leur Aperol Spritz à 12 € juste pour dire qu'ils ont pris un Aperol Spritz sur le Bodensee. Aussi, certains d'entre eux avaient un appareil photo Kodak avec une carte SD comme j'avais au primaire, c'est vraiment mignon.
Le lac est tellement vaste, il n'y a que des nuances de bleu pâle devant moi, quelques petits voiliers au loin et des oiseaux qui volent à la surface de l'eau. C'est frais, c'est comme si j'étais sur une autre planète. Une vraie beauté surréelle, parmi les plus belles choses que j'ai vu du pays. Je reste là, immobile à regarder devant moi, avec personne qui me dérange et rien qui ne m'obstrue la vue. Je vois tout, loin devant, et j'en prend plein la vue. Il faut que je m'étampe ça fort fort quelque part dans tête, ça n'a pas de bon sens comment c'est beau. C'est bon pour l'esprit et le corps d'être là. L'autre côté du bateau est ben bondé. Les gens veulent voir les villages riverains défiler devant eux. Mais ils se trompent. C'est l'étendue qui est si belle. L'espace, la grandeur, les couleurs pâles. On n'a pas souvent l'occasion de se retrouver devant tant de vide. Mais un vide doux, pas un vide épeurant. Je n'ai eu aucun doute que papa aimerait vivre et revivre ce que j'ai vu là pour l'éternité. J'ai donc laissé tomber une lettre en plein milieu du lac. Je l'ai même vue flotter pendant un petit bout de temps. On fait quelques arrêts dans les villes de Langenargen, Kressbronn, Nonnenhorn, Wasserburg et Bad Schachen avant d'arriver à Lindau.
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Paix d'esprit sur le Bodensee. Vue sur les montagnes de la Suisse. |
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Vue sur le village de Langenargen, là où se trouve le Schloss Montfort. |
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Le Bayerischer Löwe et le Neuer Lindauer Leuchtturm, à l'entrée du port de Lindau. |
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La Mangturm, vue du quai de Lindau. |
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Le Phare de Lindau (Neuer Lindauer Leuchtturm). |
Le bateau fait son chemin entre le Neuer Lindauer Leuchtturm et le Bayerischer Löwe, deux symboles importants qui s'imposent comme s'ils veillaient au bien de l'île. Après quelques pas dans la vieille ville, j'entends Hallelujah de Leonard Cohen, joué par deux excellents musiciens au pied de la Mangturm. Je m'assois sur un banc de parc et j'écoute cette musique pendant environ cinq ou six pièces avant de poursuivre mon chemin. J'ai finalement fait le tour de l'île, en m'arrêtant ici et là pour une bière, un délicieux currywurst et quelques attractions inusitées, dont le Nobelpreisträger-Steg. La ville de Lindau reçoit chaque année, depuis 1951, la conférence annuelle des lauréats. Peut-on simplement imaginer le nombre de points de QI réunis dans ce meeting ? Je me demande s'ils parlent de sujets légers de temps en temps, ces gens. Comme la dernière téléréalité et la température, par exemple. La plateforme indique le nom de chacun de ces lauréats ayant participé à la conférence annuelle, l'année de leur visite à Lindau et leur domaine. Plus de 400 noms y sont répertoriés à aujourd'hui. Que c'est bon de ne pas être pressée pour s'attarder à tout ça.
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La plateforme Nobelpreisträger-Steg. Les inscriptions sont découpées dans les barreaux de métal, ce qui fait qu'on peut voir l'eau à travers. |
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