Jour 411 | Visite en prison

Gefängnisbesuch

On vient d'arriver à Rostock, dans notre hôtel modeste direct à côté de la gare Je suis toujours surprise à quel point les hôtels de l'Allemagne sont laids, mais on voyage aussi à petit budget. Oui, il existe des Hilton, Marriott et compagnie, mais c'est pas ceux qu'on visite. Par contre, le seul endroit où les hôtels laids sont beaux, c'est en bavière, parce qu'ils sont très traditionnels et c'est charmant. Fidèles à nos habitudes, on saute sur nos trottinettes roses et on s'en va explorer les environs. C'est le quatrième jour de notre tournée dans le Nord et on a toujours le même maudit linge. Christian porte fièrement ce soir là mon hoodie du Leipzig Universität, et moi des bas noirs dans mes sandales roses. De toute beauté. 

La place du marché de Rostock.

Le look trottinette, chaussettes et sandales.

Qu'est-ce que Rostock, plus grande ville du Land de Mercklenburg-Vorpommern, aura donc à nous offrir ? C'est un peu mort ici en ce milieu de semaine, mais on a quand même vu des lieux d'intérêts assez cool. Comme dans les autres villes du Nord, il y a ici aussi une méga grosse église imposante en brique foncées, la Marienkirche. On se sent tout petit comme ça, nous les minuscules humains de quelques kilos à côté de ces tonnes de briques éclairées dans la nuit. On a roulé autour de la Kröpeliner Tor, une très vieille porte de ville qui date du 14e siècle et qui se tient encore debout, près de laquelle a été construit un gros Saturn laid en verre. Avec nos e-roller sur les pavés irréguliers de la Kröpelinerstraße, on a trop les dents qui claquent et c'est ici qu'on arrête pour commencer l'aventure mémorable du nightlife de Rostock. 

Premier arrêt, Fachwerk7, un joli bar dans un vieil immeuble de briques avec des lumières tamisées, des divans et chaises basses. On a l'air d'y servir des cocktails et des cafés alcoolisés fancy qu'on aura finalement jamais essayés. Alors que le lieu semble pourtant à moitié vide, la serveuse avec sa p'tite chemise noire bien repassée nous refuse l'entrée sous prétexte que c'est full. On soupçonne que c'est à cause du hoodie d'étudiant de Christian et de mes bas dans mes sandales parce qu'on ne voit pas trop d'autres raisons. On quitte bredouille, sans café Bailey's. 

Deuxième essai, le Rooftop bar KAI40, dans un hôtel au bout de la rue. Ça l'air cool ça. On entre dans le hall et on constate que le rez-de-chaussée est occupé par des monsieurs en complet avec des cravates coquettes qui devaient surement être des membres de la chambre de commerce de Rostock en train de faire du networking pour rehausser leur statut social. C'est pas dans ce groupe que le statut social de mes sandales de chez Walmart aurait fait bonne figure disons. On quitte.

Troisième essai, on tente le coup au Studentenkeller duquel on a vu une grosse bannière qui a attiré notre attention : dein Club unter der Stadt. Le problème, c'est qu'on n'a jamais trouvé la porte. Il y a une grosse porte blindée en bas d'un petit escalier de sous-sol qu'on essaie d'ouvrir à maintes reprises, mais ça ne fonctionne pas. On a l'air de deux cons. Ou de deux voleurs. Sur la page Facebook, qui semble bien à jour, on peut lire que ce soir à 22h, il y a une soirée de Trash Songs des années 1990-2000. C'est notre époque ça. Mais pour le moment, on n'entend pas un son, même s'il est 21h50. On va revenir plus tard alors. Ce que c'est compliqué de trouver à boire ici dis donc.

En attendant, on marche un peu et on trouve Déjà Vu, notre quatrième essai, un bar dont on ignorait le principal attrait : la chicha. On descend quelques marches et on arrive dans un sous-sol jetset où les serveurs (et les clients d'ailleurs) se ressemblent tous : des turques avec des chemises blanches, la barbe taillée à la lame, les cheveux bien coiffés et un diamant à l'oreille. On nous demande si on veut fumer. Non, on s'en va dans la section non fumeur mais ça sent l'espèce de petite boucane à la pêche ou j'sais pas quoi. Encore une fois, le hoodie et les sandales détonne
nt dans ce décor à l'éclairage bleu nuit agrémenté de petits néons roses avec des phrase du genre All you need is love. On se sentait pas trop à notre place dans cette ambiance qu'on a décidé de quitter nous-mêmes en donnant comme prétexte que le signal Internet ne fonctionnait pas. 

Va-t-on finir par pouvoir avoir une fichue bière à quelque part de sensé en ce mercredi soir à Rostock ? On retourne au Studentenkeller. On essaie encore d'ouvrir la porte, mais ça marche toujours pas. Mais c'est à ce moment qu'on voit un groupe de jeunes universitaires passer et on décide de les suivre. Ah ben voilà, grâce à eux, on découvre qu'on se rend en fait au bar de l'université. Il faut entrer dans le bâtiment par une porte de côté, où on s'est fait carter comme de vrais étudiants. Oui, nous ça, de grands adultes de 33 et 38 ans. Et après avoir suivi un long couloir beaucoup trop éclairé qui ne nous donnait pas trop bonne impression quant à la destination, on est finalement arrivés dans le bar le plus cool de l'histoire, une cave toute en pierre, sans issue et sans fenêtre, avec des hits de notre époque, des gens décontractés et un bar rempli de sortes d'alcool. Enfin ! Le bar universitaire nous a sauvé ! 

Petit décor over jetset pour notre humeur.

Le lendemain, on déjeune dans un petit café pas trop loin de l'hôtel. Christian travaille, mais il me partage une information d'intérêt pour moi : l'ancienne prison de la Stasi de Rostock  est ouverte aux visites et c'est gratuit. M'en vais là, même si je ne connais rien à ça. La Stasi, c'est le service de police politique, de renseignements et d'espionnage de la DDR (RDA) créé en 1950. Elle avait comme objectif de traquer et emprisonner les opposants au régime. 91 000 agents y travaillaient et plus de 175 000 personnes de la population est-allemande étaient des informateurs. C'est la Stasi qui avait l'ordre de faire feu sur toute personne qui tentait de franchir le mur de Berlin, y compris les femmes et les enfants. En gros, il n'y avait pas plus croche comme service policier. Dans la BRD (RFA), toute collaboration avec la Stasi était hautement sanctionnée et passible de prison.

Véhicule pour le transport des prisonniers, un petit bus Barkas B1000.

La prison de Rostock comprend une cinquantaine de cellules, toutes d'environ 7,5m carré. Chacune pouvait accueillir deux prisonniers. Les prisonniers ici y étaient en transition et restaient en moyenne entre quatre et six mois, en attente de leur interrogatoire.

La petite tablette pour passer des choses aux prisonniers. 

L'un des quatre étages du bâtiment dans lequel je me suis promenée toute seule, car il n'y avait personne d'autres dans l'immeuble avec moi.

La salle des douches.

Zone frontalière restrictive. Entrée et circulation interdite.

Les casiers à l'entrée du personnel, là où ils déposaient et récupéraient leurs armes.

Toute cette histoire de Stasi demeure quand même incompréhensible pour moi après cette visite. J'ai pas trop compris et ce genre d'enjeu d'état et de corruption politique me dépasse. 

Je sors de prison et je rejoins Christian dans son petit café près de la gare, à qui je laisse mon bagage pour quitter, le dos léger, en direction de la plage de Warnemünde. Il viendra me rejoindre plus tard, quand il aura terminé le travail. Warnemünde, c'est une station balnéaire administrativement rattachée à la ville de Rostock. Le S-Bahn me laisse après un court trajet directement en face de l'un de ces immenses bateaux de croisières devant lequel on peut bien se demander comment ça peut arriver à flotter s't'affaire là. La plage de Warnemünde s'étend sur 15 kilomètres et fait environ 200 m de large, ce qui en fait l'une des plus large du pays. J'ai marché les orteils dans le sable et dans l'eau, j'ai profité de chaque rayon de soleil sur ma peau et coup de vent dans les cheveux pour me rappeler comment je suis bien ici. Ça sent bon, c'est vaste, quel bon moment. 

La chance que j'ai d'être à cet endroit. Une autre belle région de mon pays qui me confirme que tout est beau ici !

Je suis in love avec les petits Strandkorb, j'en voudrais un à moi toute seule dans ma cours.

Absentes sur la photo : les millions de guêpes qui ont pris d'assaut la coupe glacée quelques minutes après.

Christian était impressionné par la grosseur des goélands et il les prenait toujours en photo. Rien à voir avec ceux du Mcdo de Nazareth.

Un énorme bateau de croisière souriant. Warnemünde est reliée directement à la Suède, au Danemark et à la Pologne par des bateaux de croisières ou des ferrys.

L'ambiance des plages nordiques est assez unique. Il n'y a rien du tout qui ressemble à Düsseldorf ici. On y retrouve des marchands qui vendent du poisson frais en direct des bateaux et une promenade bordée de restaurants. C'est tranquille et les touristes sont des retraités, pour la plupart.

Le petit phare vert, neuer Leuchturm, au bout de la plage de Warnemünde, où Christian a parlé à quelques pêcheurs. Tout le monde est relax ici.
 
J'ai laissé une lettre pour papa dans les roches juste là, tout au bout de la plage de ce lieu très lointain en Allemagne où je me suis rendue. C'est l'une des dernières qu'il me restait.

Christian ne voudrait surtout pas qu'on sache qu'il avait mis son chandail à l'envers ce jour-là. Je le note ici pour qu'il n'oublie jamais qu'il a eu l'air d'un tata pendant plusieurs heures.

Notre aventure dans le Nord est maintenant terminée. Lors d'un switch de train de 30 minutes à Hamburg, on en a profité pour aller faire le tour de la plaza de la Philharmonie presque à la course. Christian n'avait jamais visité l'endroit. Ça nous aura pris au total neuf heures de train entre Warnemünde et Düsseldorf + un petit trajet de cinq minutes en trottinette pour se rendre chez moi à 2h du matin. Quel beau voyage ! Le lendemain matin, on était ponctuels chez Beehive !  

Christian et ce qui ressemble à une bombe artisanale, à essayer de nous organiser un setup pour charger tous nos appareils électroniques dans le train.

Vue sur le port de Hamburg à partir de la plaza.

La majestueuse Philharmonie, de nuit.

Le ciel était à couper le souffle.

Santé à nous, avec nos bières dans le ICE, pour cette si belle complicité en voyage !

Commentaires