Jour 532 | Le petit fantôme
Das kleine Gespenst
Je me rends, un vendredi comme un autre, vers une énième date dans la Altstadt de Düsseldorf, cette fois avec Eliyah. Bien que je ne l'excuse pas d'avoir conversé avec moi sur l'app sous le couvert de Chat GPT pendant un bout (franchement les boys ne savent plus comment agir), je suis quand même curieuse de le rencontrer. Les gars sont tellement mauvais dans l'art de s'avantager et de se mettre en valeur sur les apps que je me demande chaque fois si ma prochaine date sera un pichou ou un pétard. Mais l'important, c'est que j'aie du fun, peu importe ce que ça donne. À l'aube d'avoir atteint le seuil des 50 first dates depuis mon arrivée en Europe, je commence à maîtriser l'art, qu'on le veuille ou non. Je filtre quand même bien et ça fait toujours de bonnes histoires. Je suis même maintenant facilement en mesure de faire des palmarès. Le plus drôle, le plus à marier, le plus désastreux, le plus surprenant, le plus langweilig. Eliyah lui, est sur la plus haute marche du podium des plus chavirants. Mais le dating, ça vient avec quelques surprises, c'est pas toujours au niveau ! Celui-là il a clairement perdu pied sur son podium pis s'est râpé la face à terre.
Au Bar Chérie
J'entre au Bar Chérie avec quelques minutes de retard et je rejoins ce mignon garçon à lunettes qui m'attends dans un coin avec son hoodie. Je rockais ma jupe longue que j'avais pognée dans le vintage chez Urban Outfitters. Allright, il est trop mon genre, mais je pense pas qu'on va flirter, il a l'air bien trop timide et pas habitué à dater. Finalement, j'avais scanné son aura tout croche, son score ne cesse d'augmenter après chaque verre de vin. Deux bouteilles de Sauvignon plus tard, on comprend qu'il a atteint au moins 2000 %. Il est un peu geek, un peu bizarre comme je les aime, il passe du coq à l'âne et il a beaucoup de conversation.
Après quelques heures, j'ai troqué le siège en face de lui pour la place sur la banquette à côté de lui et ça n'aura pris qu'une fraction de seconde pour que nos palais fassent parfaitement connaissance lors d'un french qui m'en a fait perdre mes lunettes. Il a gentiment traîné mon vélo jusqu'à mon appartement. J'ai parké mon vélo dans la cours, parké le gars sur mon divan et me suis moi-même parké par dessus. Je l'ai laissé partir à 4h30 du matin avec Uber. J'ai jamais regardé l'heure sauf là.
Il était une fois un ghost
Je revois Eliyah la semaine suivante, après avoir officiellement terminé mon rhume tenace. Je suis toujours un peu nerveuse lors d'une deuxième date, car je me demande si l'énergie sera aussi bonne que la première fois. C'est heureusement le cas. Sa peau et son odeur c'est comme si je les avais toujours côtoyées. Ce lundi, il quitte vers minuit et on se dit à bientôt. Ça marche, pourquoi on ne se reverrait pas ? Et là, parlons-en. Le maudit ghosting, pourquoi ça existe. Je suis tellement franche et honnête avec mes dates que je m'attends à une certaine réciprocité. Mais là, étonnamment, je suis en face d'un ghost que j'avais zéro vu venir. Je sais lire les signaux, pas mal plus que les gars qui pensent qu'ils ont scoré alors que c'est tout le contraire. Mais là, c'est tu moi qui a interprété les signaux tout croche ? Après 5 jours sans nouvelles après lui avoir proposé une troisième rencontre et reçu des réponses évasives, j'en ai marre de me demander s'il va un jour se réveiller. Je répète, s'il y a bien quelqu'un avec qui ça connectais aussi bien, c'était lui. C'est donc pas le premier à qui j'aurais associé des tendances fantomatiques.
Devant le refus de le laisser disparaître comme ça sans explication, je lui prépare son 4 %, comme dirait si bien Marie-Claude. Les garçons ont besoin d'un peu de pédagogie pour mieux se comporter. Il faut bien aider la cause de ceux qui n'ont pas de couilles. Choqué de recevoir sa terminaison d'emploi en plein visage, il patine. Je lui expose en pleine face sa faiblesse, mais il veut avoir le dernier mot : Lass uns nächste Woche nochmal treffen und direkt sprechen. Ce sera vraiment ma dernière tentative, mais quel dommage que ce soit si compliqué. Ce gars là est l'un des rares pour qui j'aurai pu tomber pour vrai. Normalement, ça ne vaut pas la peine d'y tenir trop trop, surtout pas après seulement deux dates superficielles.
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L'histoire du vrai kleine Gespenst, qui est sur ma table de chevet. |
Parler à travers les fleurs
Je déteste les non-dits. Les non-dits et les questions non répondues sont mille fois pires que toute vérité qui blesse. Je ne sais pas si c'est le fait d'évoluer dans cette culture allemande rectiligne et catégorique depuis deux ans, mais j'ai appris à moi aussi parler de façon franche et directe. Chose que je ne faisais jamais avant. C'est fou comme on passe par quatre chemins pour se parler au Québec, en comparaison à ici, la différence est frappante. Et moi, ça me convient très bien un monde comme ça. Je n'ai plus aucune retenue à partager exactement ce que je pense, et à recevoir exactement ce que les gens pensent en retour. Ce n'est pas le rejet d'un gars qui va me faire pleurer certain. Je pense quand même que ce n'est pas donné à tout le monde, la faculté du franc parler. Et Eliyah est à des kilomètres de posséder une once de cette capacité. J'ai beau retourner tout ça dans ma tête, je ne vois aucun avantage à etwas durch die Blume sagen. Je n'adhère pas du tout à ça, surtout dans le monde du dating.
Par courrier recommandé
Mesdames et messieurs, la Covid-19 fait un retour en force en Allemagne ces jours-ci et n'a pas épargné Eliyah, la journée où on devait se voir. Du moins, c'est ce qu'il me dit. Est-ce que je le crois ? Pas pour deux cennes. Il m'a envoyé une couple de voice messages dernièrement, dont plusieurs avec des belles paroles pour me garder pas trop loin, mais son spectre muet l'a tranquillement remplacé depuis quelques jours. C'est à rien n'y comprendre et c'est carrément fâchant. J'ai simplement demandé une réponse claire, et tout ce que j'obtiens, c'est plus de confusion. Et ça dure, ça dure. Moi, j'aimerais bien le revoir, mais s'il cherchait une façon de rompre la conversation, je lui ai ouvert la porte bien grand au moins une bonne dizaine de fois et il ne fait que se tenir dans le cadre de porte, un pied dedans, un pied dehors, comme s'il attendait le facteur. Une semaine plus tard sans nouvelles, voici une lettre recommandée pour toi mon grand garçon : Schieb's dir in den Arsch. Je lui ai souhaité bonne chance dans un message passif agressif pour le faire feeler cheap dans ses bobettes. Un vrai enfant, parmi tant d'autres à qui l'on a pas appris l'étiquette du dating. C'est quand même insultant.
EDIT (Mars 2024). Le ghost m'a trouvée sur Instagram, le petit maudit. J'ai cru qu'il allait me poursuivre pour le contenu de ce blog (on sait jamais, les allemands pis la loi pis le Datenschutz). Semble-t-il qu'il a changé, qu'il veut me connaître et passer du temps avec moi. Après lui avoir laissé une chance de reprendre contact, il s'est juste comporté exactement de la même manière. Dire des menteries, pis disparaître. Pour moi, c'est questions par dessus questions. Pourquoi faire ça, à quoi ça sert ? Et voilà un deuxième échec pour ce gars.
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