Jour 754 | Spitzenwanderweg - Étape 1 - Le refuge de montagne

Die Berghütte

Je suis au refuge Fischbachalm, à mi-chemin dans la première étape de la randonnée par étapes Spitzenwanderweg, et c'est la première pause pour écrire que je prends depuis le début de mon aventure. En fait, en revenant de Malerweg, j'ai immédiatement eu envie de faire une autre randonnée, cette fois en montagne, car l'altitude me manque. La région pour le faire était bien évidente : je voulais retourner à Garmisch-Partenkirchen, une ville à environ 1h30 de Munich, point de départ de plein de randonnées montagneuses. J'ai eu un coup de cœur instantané pour cette ville en septembre 2023, pour ses maisons bavaroises avec boîtes à fleurs, ses bâtiments aux couleurs pastels arborant des peintures religieuses, ses rues piétonnières remplies de terrasses et ses vues à 360 degrés sur les montagnes autour. 

La hutte Fischbachalm, fermée pour la journée mais qui proposait quand même certains rafraîchissements en libre service.
 
Jolis sentier sous un ciel bleu.

J'ai pris le train ce matin à Düsseldorf à 5h45, parce que j'achète toujours les trajets les moins chers. 13,69 € pour un trajet de 6h20, c'est pas cher payé, quand tu sais que le même trajet aux heures de pointes peut se rendre jusqu'à 130 €. Il faut ce qu'il faut, je me lèverai tôt ! Alors que je pensais juste faire un transfert à Munich, j'ai décidé d'y arrêter quelques heures pour faire un peu de tourisme dans cette grande ville que je ne visite pas souvent. D'abord, je suis allée à la Eisbachwelle, une vague en pleine ville où les surfeurs se rendent pour s'entraîner. Est-ce qu'Eisbachwelle est naturelle ? Oui et non, c'est vraiment une partie d'un cours d'eau naturel mais il a été aujourd'hui modifié pour que la vague soit praticable à l'année longue, ce qui n'était pas le cas avant. C'était la première fois que je voyais des surfeurs d'aussi près et j'ai été impressionnée. Des bons, des moins bons, chacun son tour. 

Un surfeur sur la vague Eisbachwelle en plein centre de Munich.

Je serais vraiment restée plus longtemps, mais j'ai continué mon chemin et je suis passée par hasard devant la Münchner Residenz, un espèce de château en plein milieu de la ville, construit par nul autre que Louis de Bavière. Encore lui, ce roi bavarois avec ses grandes ambitions. Celui même qui a construit le château de Neuschwanstein et le château de Nymphenburg. Pour 10 €, j'ai visité pas moins de 130 pièces. 130 ! Quand tu nommes tes chambres par des points cardinaux, c'est signe que t'en as quelques unes de trop. Chambre sud-ouest, première chambre nord, chambre principale nord-est. Et de l'or, comment dire... partout ! Plafond, plancher, robinets, poignées d'armoires, miroirs. Bien que Louis a clairement abusé de sa richesse, il a laissé tout un héritage architectural vraiment impressionnant à visiter.

Une impressionnante salle de réception où Louis invitait ses amis de la bourgeoisie.

Ici un léger abus d'or.

Ici aussi.

L'un des nombreux set de vaisselle pour péter de la broue avec tes convives.

Fins détails au plafond de l'une des 130 pièces.

J'arrive finalement à Garmisch-Partenkirchen après une autre heure et demie de train. On est tellement bien ici, je suis contente d'être de retour. Pour quiconque à la recherche d'un paysage de prairies vertes et de sons de cloches à vache sur fond de montagnes, c'est la place. C'est une ville de quelques 27 500 habitants mais je ne m'ennuie pas ici. Ce soir, je loge à la Gästehaus Geyer, dans une petite chambre où on a voulu entasser tout le mobilier utile pour en faire un « petit appartement ». Pour vrai, moi je voulais juste un lit, mais j'avais l'équivalent du contenu de mon appartement dans 6 m carré. Un monsieur de 400 ans m'a accueilli. Servus ! Ah oui, ce dialecte bavarois pas possible à comprendre (mais qui demeure tout de même plus facile à comprendre que l'accent des écossais!). J'ai discuté avec ce monsieur à propos de sa ville, Garmisch. Il a probablement lui-même participé à sa conquête quelque part en 1600 d'ailleurs. Il m'a dit qu'il connaissait quelques mots en français. « Je suis parapluie » m'a t-il dit fièrement. Ah oui voilà, toujours utile de s'identifier à un parapluie.

Pas le temps de m'étendre deux minutes pour me reposer que je dois me faire jolie avec le peu de produits de beauté que j'ai apporté dans mon sac à dos de rando (à l'occurrence, juste un eyeliner). Je n'ai pas de meilleur kit qu'une robe sport noire passe-partout et mes grosses bottes de hiking pour me rendre à Mohrenplatz pour rejoindre Tim, ce gars que j'avais bien aimé lors de ma dernière visite ici. Ça fait 10 mois qu'on ne s'est pas vus et on a du échanger 8 lignes de texte maximum entre temps, mais la vie étant ce qu'elle est, on est tous busy. Comment puis-je oublier ce mignon sportif aux racines canadiennes et aux yeux pairs qui m'avait emmenée dans les chutes de Höllental un jour de pluie anyway ? 

Au fil des discussions pendant lesquelles une pluie agréable s'est invitée alors que nous étions les seuls sans parasol sur la terrasse, Tim m'a expliqué l'origine des Biergarten. Jusqu'à maintenant, on dirait que c'était trop répandu et normal dans le paysage allemand pour que je pense que ça avait une quelconque signification. Au début du 17e siècle, les brasseurs de Munich n'avaient pas le droit de brasser de la bière durant l'été en raison des risques d'incendie dans la ville encore construite principalement en bois. Pour conserver les stocks de bière, les brasseurs ont aménagé de grandes caves, mais pas trop profondes, les ont recouvertes de gravier et ont planté des marronniers pour y faire de l'ombre avec leurs grandes feuilles. Peu de temps après, il est devenu coutume de s'y rendre pour se désaltérer. Encore aujourd'hui, rien n'empêche les visiteurs d'arriver avec leur propre nourriture, cela fait même partie du règlement des Biergarten de Bavière depuis 1990. 

Après avoir troqué notre table à Mohrenplatz pour poursuivre la soirée sur la terrasse confortable chez Louis Tagesbar, on sera finalement les derniers à la quitter après la fermeture. La pluie reprend de plus belle. Mais tout est beau. L'éclairage tamisé mauve rosé. Les reflets de la pluie dans la rue. Lui. Alors que je prends la dernière gorgée de ma Garmischer Hell, cette autre belle soirée ici me laisse croire que Garmisch-Partenkirchen et Düsseldorf se disputeront un jour la première place au rang de mes villes préférées dans le pays. 

Ce matin, j'ai pris le bus de Garmisch-Partenkirchen pour me rendre à Krün, là ou débute le sentier. La température est parfaite. Pas trop chaud, pas trop froid, nuageux par moment. Marcher dans la nature, ça me fait sourire. J'y pense et je ne vois pas d'autres moments où je suis aussi bien. Un pas devant l'autre, je longe l'Isar turquoise avant de la traverser, je croise des vaches au repos dans leurs champs tout verts, et j'entreprends ma montée dont le premier arrêt sera Fischbachalm. La hutte est fermée pour aujourd'hui. Radler en libre-service, je prends la pause sur la terrasse et je continue mon chemin. C'est à partir de là que la vue est devenue vraiment impressionnante et toute dégagée sur la vallée et les montagnes rocheuses du Karwendel. À certains endroits, c'est un petit passage très étroit, pas plus large que mes deux pieds, directement contre la falaise, avec un vide immense en bas. Pas pour les vertigineux, ni les maladroits. Pas de danger qu'on trouve ça au Québec. Il faudrait s'y aventurer avec un guide, un suit de sécurité et signer un paquet de formulaire de décharge de responsabilité. Ici, c'est la nature pure, à tes risques et périls. Je vois au loin le premier refuge de montagne où je passe la nuit, Soiernhaus

La rivière Isar, très basse à la hauteur de Krün. 

Vue sur le massif des Karwendel, en chemin vers Soiernhaus.

Cette randonnée, je l'ai prévue en refuge de montagne. Quand tu veux accéder à d'aussi hauts sommets, tu ne peux pas vraiment revenir le soir au village. C'est ma première expérience dans ce concept et j'avais lu un peu à ce sujet. À l'origine, ces lieux étaient de simples cabanes de bergers ou maisons de chasse, qui se sont équipées au fil du temps pour recevoir des randonneurs. Ça demeure toutefois très rudimentaire et c'est éloigné de toutes commodités. Mais n'est-ce pas la raison principale pour laquelle on cherche à se retrouver là ? C'est un autre monde, vraiment. Dans les refuges, si le repas n'est pas le même pour tous, il n'y a vraiment qu'un choix très limité et tout le monde mange en même temps, à une heure fixe. Il faut donc arriver avant cette heure si on veut pouvoir se rassasier après une journée épuisante. Il ne manque pas de bière toutefois ! Il y a des toilettes modernes, mais pas de douches, dans la plupart, considérant la localisation éloignée des sources d'eau. Aussi, pas de poubelles. Le randonneur doit repartir avec ses déchets. Pas d'accès facile à des prises électriques pour recharger ses appareils non plus. Ma méga powerbank est donc mon accessoire de prédilection pour pouvoir continuer de prendre des photos, accéder à mes cartes géolocalisées et écouter de la musique. Les cabanes disposent d'espaces pour dormir, la plupart des dortoirs de 10 à 20 personnes. Je suis donc prête à galérer contre les ronfleurs dans le dortoir. À 22h, c'est le couvre-feu pour tous. Pas le temps de faire la fête ici, tout le monde est épuisé de toute façon. La seule chose de plus à traîner, en comparaison avec une randonnée d'une journée, c'est un sac de couchage.

L'une des terrasses de Soiernhaus, avec le bâtiment où les dortoirs sont situés.
 
Ma petite chaise longue bleue avec la vue sur les montagnes.

Soiernhaus a été construite en 1866 en tant que cabane de chasse et se situe à 1610 m au dessus du niveau de la mer.

Un gars très yolo-vie-de-refuge m'accueille et me donne quelques indications. J'avais un peu compris déjà en faisant le tour de l'établissement moi-même. Mais je ne profiterai pas du lieu tout de suite, j'ai envie de me rendre à Soiernsee, le lac de montagne pas très loin de la hutte. Il a l'air tellement propre et calme avec son eau claire. J'ai envie de me baigner dedans. Semble-t-il que j'étais si pressée d'être dans l'eau que j'ai glissé sur une roche et je suis tombée dans le lac, avec tout mes habits. Ceci dit, mon sac à dos, mes bottes, mon téléphone et mes AirPods à l'eau. Et pourquoi on tombe toujours sur le maudit os du cul qui fait si mal ? Pourquoiiii. Ma chute a résonné dans tout mon corps depuis mon coccyx, en plus de livrer un concert qui rivaliserait avec 200 cloches à vache quand ma gourde en stainless que je n'ai jamais lâchée a heurté les roches à de nombreuses reprises. Je me suis mise en bobette et j'ai sauté dans le lac, anyway j'étais déjà mouillée. C'était frette ! Savon de Marseille en main, au moins je suis propre maintenant. C'est trop beau autour, un grand silence. Le son est tellement différent en altitude, impossible de ne pas le remarquer. Je suis loin de tout et je me suis rendue ici toute seule. Rendue ici, pas au refuge à proprement dit. Mais bien rendue ici, dans ma vie, dans un pays qui n'est pas le mien, à expérimenter des nouvelles choses toute seule. Entreprendre ce genre de randonnée, l'avoir planifiée de zéro, ça aussi ça ajoute à la confiance en soi que je n'avais pas avant.

Le lac Soiernsee à l'endroit où je me suis baignée.

Un troupeau de vaches qui s'est tranquillement déplacé à proximité. 

Les autres randonneurs commencent à arriver pendant que je chill sur ma chaise longue en tissu à écrire ces lignes. J'observe ces gens. Des couples, des groupes, mais pas de gens seuls. Et arrive Bernadette, une dame de Grenoble qui parle aussi le français, à qui je donne environ 60-65 ans. Elle est seule aussi. L'une des gardiennes du refuge nous a introduit, en ayant remarqué nos accents similaires. J'ai finalement passé toute la soirée avec elle, partageant un chocolat chaud de fin de soirée et des conversations sur les randonnées, les voyages et la politique en France. Elle oubliait tout. Je me demande comment elle a fait pour se rendre jusqu'ici avec comme seuls repères sa montre altimètre et ses notes manuscrites sur une vieille carte toute trempée. 

Le spectacle de la lumière dans le creux des montagnes est unique ce soir. C'est donc à ça qu'on a accès quand on dort au sommet. Avant le coucher du soleil, je m'en vais au lit. J'ai pas de voisin mais normalement ceci aurait été l'équivalent de partager un lit 54' avec un(e) inconnu(e). C'est le confort minimum, on est collés les uns sur les autres. Environ 60 personnes sur l'étage, 60 énormes sac à dos au sol, du linge étendu un peu partout, mais que c'est plaisant de faire partie de ça aussi ! La nuit a été tranquille, tout le monde est calme, fatigué. Personne n'est venu ici faire le party comme à l'hostel à Edinburgh. Ma première expérience en refuge de montagne est vraiment positive. J'ai hâte de découvrir les particularités des autres que je visiterai.

À 1610 m d'altitude le point de vue de Soiernhaus offre la vallée d'un côté.

Et le Soiernspitze de l'autre.

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