Auf wiedersehen, Bayern
La quatrième étape du Spitzenwanderweg m'a un peu laissée sur mon appétit. Hormis une belle descente vers Reintal entourée des rochers massifs, j'ai passé le reste du temps à longer une rivière et à grimper dans une forêt en faisant des zig-zags. Pas de points d'intérêts particuliers dans cette section, sauf un troupeau de gentils moutons qui ont fait une partie du sentier avec moi. Bêêêêêêê. C'était drôlement mal balisé sur ce tronçon pour une randonnée officielle comme celle-ci. Je me suis perdue au même endroit, quatre fois plutôt qu'une. J'allais dans un sens, je revenais au point de départ, j'allais dans l'autre sens, je revenais à nouveau. Ça m'a fâchée un peu. D'autant plus que, me sachant perdue, j'étais pourtant très attentive à trouver la bonne direction, celle la plus susceptible d'être une trail. Même si je jonglais entre deux applications de géolocalisation assez précises, AllTrails et Outdooractive, la réception était si mauvaise que je devais toujours revenir au point de départ pour avoir un peu de réseau et recommencer encore et encore. Sans succès, j'ai finalement rejoint le sentier par de la chance, plus loin après un petit parcours à la Indiana Jones dans la forêt sauvage.
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La salle où était servi le déjeuner à Schachenhaus. |
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6h du matin sur Schachen. L'air frais, le silence, l'absence de tout bourdonnement. |
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La fenêtre du dortoir.
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Les moutons sur le sentier sont plus doux que les vaches.
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Jolies chutes rafraîchissantes en chemin.
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J'ai gelé mes orteils dans cette rivière.
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Les rivières ici sont tellement claires, tout comme ce que j'ai vu en Suisse l'an dernier.
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Je suis arrivée à Kreuzeckhaus, une station de ski pleine de liaisons en télésièges et téléphériques. Tim devait me rejoindre ici en vélo de montagne. Y a-t-il de quoi de plus charmant qu'un gars qui vient te rejoindre à 1600 m en vélo de montagne ? Tsé avec son casque et les mollets plein de terre. Finalement il était rendu trop tard. Projet cancellé, je prend ma bière sur la terrasse plein soleil en attendant le repas du soir. Ici, c'est servi à 19h pour tout le monde. Deux menus seulement. Parfait, pas compliqué pour les gens comme moi qui veulent pas trop poser de questions. Mon expérience dans les refuges de montagne est vraiment au delà de mes attentes. En fait, j'avais pas vraiment d'attentes, juste un peu d'appréhensions sur le confort en général. Maintenant que je l'ai vécu, j'aimerais vraiment, dans une autre vie, gérer un établissement comme ça, où du moins y travailler.
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Le dortoir. Quand je dis qu'on dort collés. Ben c'est ça.
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La vue lors de la descente. |
Je ne connaissais pas le concept des refuges de montagne du tout avant, mais je pensais que c'était juste parce que je ne m'y étais jamais intéressée. Je me suis demandée durant toute ma randonnée si nous avions ça au Québec ou au Canada. Ben non. C'est surprenant quand on a de la si belle nature, tant de montagnes et de forêts. Un projet pour la SEPAQ peut-être ? Le volume de population n'étant pas le même, les itinéraires ne sont pas aussi fréquentés. Le pays étant aussi beaucoup plus jeune, les infrastructures en place au milieu des montagnes sont quasi inexistantes. Ici, des cabanes de chasse ont souvent été construites il y a plus de 100 ans, ce qui, déjà, facilite leur conversion en refuges de montagne et ça demeure rustique. Si un riche promoteur tentait ce projet au Québec, il y aurait un gros risque que ça ne respecte pas du tout le principe et que tout soit neuf et dénaturé comme dans n'importe quel chalet ou station de ski. Quel dommage. C'est vraiment une belle façon de découvrir la nature.
Voici comment ça se passe :
- L'arrivée : Il faut arriver à une heure raisonnable et s'enregistrer. On reçoit alors quelques indications sur le fonctionnement de la hutte. La plupart du temps, je payais en argent comptant à l'arrivée, pour le repas du soir, la nuit et le déjeuner.
- L'eau : Je demande de l'eau, car bien souvent, je n'en ai plus. Il peut y avoir de l'eau potable, ou pas. S'il n'y en a pas, ils ont de l'eau en bouteille en quantité suffisante pour se remplir pour le lendemain aussi.
- La Trockenraum : Je trouve la salle de séchage, où j'enlève mon linge tout trempé, mes bottes, mes bas, mes semelles. Je mets le tout à sécher. Pluie, pas pluie, c'est tout mouillé. Il y a des supports, des supports pour les bottes, des tablettes. Et le linge de tout le monde est tout pêle-mêle là dedans.
- La Waschraum : C'est pas une salle de lavage en fait, mais plutôt des toilettes avec quelques éviers de plus. Je me revêtis alors de mon seul kit de vêtement propre. C'est la meilleure décision que j'ai prise. Traîner un kit avec moi qui demeure toujours propre pour mes soirées tranquilles.
- Le dortoir : Je trouve mon lit, parfois on a un lit défini, parfois non. J'installe mon sac de couchage pour marquer mon matelas et je laisse mon sac. Interdit d'entrer dans les dortoirs avec les bottes, qui restent dans l'entrée. Pour le reste de la soirée, je vais porter mes gougounes que j'ai apportées de chez-moi, mais il y en a aussi à disposition.
- Le repas : Je prends place sur la terrasse et je fais mon choix de repas, que j'accompagne souvent d'une bière bien méritée. Je mange seule. La barrière de la langue est toujours présente. C'est pas facile d'approcher un groupe, avec une joke par exemple, et s'insérer dans le groupe après avoir fait une bonne impression. Moi j'ai toujours l'air bizarre avec mon peu de vocabulaire et mon accent non identifiable.
- Planification : Je regarde la carte pour demain, les trajets possibles, les points de vue, le dénivelé qui m'attends, la durée, la distance, la température. Je m'assure que ma carte est bien téléchargée pour un accès hors réseau.
- La nuit : Tout le monde respecte le couvre-feu est est au lit avant 22h. C'est le silence total et l'obscurité totale. J'ai pas si bien dormi, mais c'est pas à cause des dortoirs, mais plutôt à cause que j'avais simplement très mal aux jambes et je me réveillais à chaque fois que j'avais envie de bouger.
- Le déjeuner : Vers 6h, ça commence à s'activer, mais personne ne se réveille avec une alarme déplaisante. Le déjeuner est servi à une heure précise, souvent à partir de 7h et c'est un buffet avec plein de choses santé. Pas de bacon, pas de crème fouettée ici. Céréales, confitures, pain, viandes froides et fromages. Je n'ai pas faim dans le courant de la journée.
Non, dans la liste, je n'ai pas nommé la douche. C'est qu'il n'y en a juste pas ! Pas de douche en randonnée, faut vraiment pas être dédaigneux. Savon de Marseille et débarbouillette, c'est ça qui est ça. Les trois refuges que j'ai visité jusqu'à maintenant fonctionnent tous un peu de la même manière, mais avec certaines particularités. Ici, à Kreuzeckhaus, c'est plus commercial que les deux autres et ça paraît dans l'ambiance et dans la clientèle. On sent les gens un peu plus tendus ici, il y a des parents qui crient après leurs enfants car ils sont stressés de manquer le dernier téléphérique. Il n'y avait pas de ce genre de stress dans les autres refuges. Quand je suis seule, j'observe les gens autour en m'occupant avec mon livre ou mon cahier. Personne d'autre n'est seul. Je pense que c'est vraiment pas coutume. Même le serveur avait l'air de se demander si j'attendais quelqu'un. Des gens ont été gênés de m'approcher pour se joindre à ma table. Pensaient-ils que j'avais un problème ? Une personne seule en public, mais quel étrange spécimen !
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La Kreuzeckhaus dans laquelle j'ai passé la nuit. |
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La vue sur la ville de Garmisch-Partenkirchen de nuit. |
Dans mon sac se trouve ceci (pour cinq jours) :
- Mon sac à dos, 30 L de capacité
- Mon imperméable et la couverture imperméable pour mon sac à dos
- Deux T-shirt en laine mérinos
- Un legging long
- Une paire de pantalons courts
- Une veste à manche longue pour marcher
- Une veste à manche longue qui reste propre
- Deux paires de bas en laine mérinos
- Une casquette
- Mes petits électroniques : Kindle, iPhone, batterie externe, AirPods, et tous les câbles nécessaires pour leur chargement. Ma batterie peut bien être lourde, elle peut recharger 4 fois mon cellulaire en une seule charge, jamais besoin d'accès à l'électricité donc.
- Mon sac de couchage
- Une serviette en micro-fibre
- Lunettes fumées
- Mon passeport, mes cartes d'identité, mes clés
- Cinq culottes, trois soutien-gorge de sport
- Une trousse de produits de beauté dont un savon de Marseille, ma brosse à dents et pâte à dents, un tube de crème pour les pieds et un gel pour les jambes lourdes.
- Quelques pilules, plasters, lingettes désinfectantes
- Une pomme par jour, un sac de noix, des salamis secs
- Au moins 2 L d'eau par jour, que je rempli dans les arrêts
Et des choses que j'ai réalisé que j'aurais pu laisser à la maison :
- Un T-shirt pas en laine mérinos, car depuis que j'ai connu l'alternative, je ne vois pas l'intérêt d'avoir d'autres type de matière.
- Une camisole pour dormir, que je pourrais remplacer en fait par un T-shirt supplémentaire qui serait utile aussi au dernier jour de randonnée, par exemple.
- Une débarbouillette en micro-fibre, un coin de la serviette ferait la job.
- Mes écouteurs noise-cancelling, car je peux bien me dépanner avec mes AirPods et du white noise en présence de ronfleurs.
- Mes sandales d'intérieur, car il y en a déjà à disposition
- Des semelles orthopédiques supplémentaires (je suis partie avec une blessure à la plante du pied qui s'est finalement résorbée en cours de route)
Le lendemain, ma randonnée me fait passer par les gorges de Höllental, la randonnée spectaculaire que j'avais faite l'an dernier avec Tim. Cette fois, comme c'est un dimanche ensoleillé, je ne suis pas la seule à les traverser, mais bien une horde de gens mal chaussés et mal habillés. C'était pas aussi agréable et mémorable que la fois précédente, ascension que j'avais faite sous la pluie battante.
Je suis arrivée à Grainau, ma destination finale, bien plus tôt que prévu. Et voilà j'ai réussi ! Ma quatrième randonnée longue, cette fois dans les montagnes. J'ai marché 87 km entre Krün et Grainau, en passant par Soiernhaus, Mittenwald, Schachenhaus et Kreuzeckhaus. C'était 3 900 m de dénivelé positif et l'équivalent négatif. 151 684 pas au compteur. Maintenant que j'ai trouvé une grande passion, j'aimerais level-up mon niveau par d'autres alternatives pour lesquelles je n'ai pas encore l'équipement où les connaissances.
- Faire l'ascension d'un sommet de 4 000 m
- Le camping sauvage
- Escalader des rochers totalement exposés par des parcours via ferrata
- Traverser des glaciers ou faire de la randonnée en hiver
Voilà que je quitte Garmisch-Partenkirchen et la belle région de la Bavière avec la certitude que je reviendrai ici. Pour les loisirs ou pour y habiter, je sais pas encore. Mais j'imaginerais très bien une vie ici, entourée de montagnes, de lacs et d'espaces verts, de baignades d'été, de randonnées automnales et de sports d'hiver.
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L'église de Grainau, alors que j'attendais le Zugspitzbahn. |
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Les vaches de Grainau.
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