Schachentor
Je marche lentement. Depuis quand ça me prends plus de temps que ce qui est indiqué sur mes cartes, moi qui marche habituellement plus rapidement que le bon Google Maps ? Je commence à écrire ce billet à partir de Wetterstein Alm. J'ai commencé ma journée par un refill de snacks pour les trois prochains jours pendant lesquels je ne croiserai pas d'autres civilisations avant Grainau. Ça fait déjà cinq heures que je marche. En plus j'ai triché. J'ai pris un raccourci avec le Kranzberg Sesselbahn, un petit télésiège individuel à la vitesse de croisière d'une lenteur surprenante, qui m'a amenée jusqu'à la station St Anton (1 250 m). À partir de là, j'ai rejoint les lacs Lautersee (1013 m) et Ferchensee (1060 m) avant de m'enfoncer dans la forêt pour 14 km sans jamais en ressortir depuis.
Il me reste encore un 3,5 km en grosse montée dans la vallée, qui devrait me prendre environ 2 heures et demi. Pour référence, ça me prend habituellement 45 minutes pour marcher 3,5 km sur le plat. Je trouve cette étape difficile jusqu'à maintenant. Je vais bien, mais c'est du sport. Heureusement, j'étais en forêt sur la majorité du sentier, parce que sinon je serais ben cramée sous le soleil. L'endroit où je me rends, la Königshaus am Schachen, était jadis une maison de chasse qu'à fait construire Louis de Baviere. Ben oui, encore lui et sa richesse qui s'étend dans tous les horizons. Je suis quand même certaine qu'il se rendait là à dos de cheval sur une selle coussinée avec des boutons d'or et non avec ses p'tites bottes Lowa pleine de bouette comme moi à travers forêts et vallées escarpées.
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La destination finale, Sachenhaus, là où j'ai passé ma troisième nuit. |
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L'environnement dans lequel se trouve le refuge de montagne.
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Le lac Lautersee, et la montagne que je m'apprête à grimper en arrière plan. Ça l'air tellement loin. Bonne chance.
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La chapelle Maria Königin, près du lac Lautersee, construite en 1993. Une jolie construction récente, mais qui respecte le style.
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Un beau champi.
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La vue du télésiège Kranzberg Sesselbahn.
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Selfie de télésiège. |
Après une limonade au citron à Wetterstein Alm entourée de p'tites poules en liberté, j'ai choisi d'emprunter le sentier d'aventure qui passe directement par la vallée au travers des vaches, des roches et des petites chutes. L'autre option, c'était la route sinueuse facile de gravier que peuvent aussi emprunter les vélos de montagne. Le choix de cette voie difficile m'a donné toute une récompense au sommet. Quand j'ai franchi la Schachentor, ma vue valait chaque pas que je venais de faire. On appelle la porte de Schachen cette vue dégagée entre les monts Frauenalplkopf (2351 m) et Schachentorkopf (1957 m). D'un côté, là où j'allais, de l'autre, toute la vallée que je venais de grimper à la sueur de mon front. Et moi, minuscule comme tout, entre deux murs de rochers gris imposants, je viens de franchir cette grande « porte ». C'était la dernière montée avant la fin. Je continue dans le petit chemin sinueux en roches blanches, en me disant que j'en ai pour 15 minutes gros max avant qu'on me serve une bière et un repas d'ogre. Bahahaha... est bonne. Ça m'aura finalement pris une autre heure pour cause de petites-roches-qui-te-roulent-sous-les-pieds-dans-une-descente-en-pente-raide. J'avais pas envie de tomber une seconde fois sur mon os du derrière déjà affaibli.
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Salut les poules de Wetterstein Alm.
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Vache dans la vallée en direction de Schachentor.
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Au moment où j'ai enfin j'ai aperçu la Königshaus, j'étais très fière.
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Non mais, ce que j'ai été lente aujourd'hui ! J'ai marché de 10h15 à 17h15 pour un trajet qui indiquait 5h45. J'ai pas pris tant de pauses le pire. Là je sais que je suis un peu serrée dans le temps. Les cuisines ne sont pas ouvertes à l'infini dans des endroits comme ça. Je suis accueillie à ma hutte par un vrai viking. Un grand monsieur chauve avec une grosse barbe et peu de mots : Trockenraum, Toilette, Waschraum. Bitte die Schuhe ausziehen. Ok. Frage ? Danke. C'est tout. Efficace. Ce soir je dors collé avec mon voisin ou ma voisine, pas de chance comme au refuge précédent. Ne serait-ce qu'une petite crac entre les matelas, ça pourrait aider à accepter mentalement le fait que c'est comme si je partageais un lit avec un(e) inconnu(e). J'espère que c'est pas un bonhomme. #touchepasàmonsleepingbag. On mange bien dans les huttes, des grosses assiettes pour une gang de gens affamés.
Après le repas, je suis partie en promenade, comme si je n'avais pas assez marché de la journée. J'ai trouvé un point de vue à 10 minutes environ, avec une vue incroyable, grande ouverte sur les montagnes derrières lesquelles se cache le Zugsptize. Le silence agréable a été perturbé pendant une bonne heure par une hélicoptère de sauvetage. Cherche-t-elle quelqu'un ? Est-ce un exercice ? Au début, elle survolait un peu partout. Puis, elle a fait du sur-place pendant une dizaine de minutes. Aurait-elle trouvé ce/qui elle cherchait ? Dans ces immenses rochers, ça ne prend pas une grosse chute pour se blesser. Mais les montagnes n'y sont pour rien. Elle n'ont rien à dire, elles sont faites comme ça. Elles nous accueillent, nous les petits humains téméraires en quête de vues spectaculaires. Elles n'ont rien demandé et ne sont pas méchantes, juste extrêmement puissantes.
J'ai passé la soirée seule dans le petit pavillon couvert, avec le coucher de soleil. Du bleu au mauve, du jaune au rose, le tout derrière un voile de lumière diffuse. Les photos, aussi belles soient-elles, ne représentent même pas 1 % de ce que c'était que d'y être. Je suis tellement chanceuse d'avoir accès à ça, d'avoir la forme et la santé pour pour réaliser ce niveau de randonnée. Passer une nuit à cette hauteur, loin de tout, ça pourrait être effrayant, mais c'est tout l'inverse. Personne ici en montagne ne se veut du mal, veut voler l'autre, lui nuire ou en profiter. Ce ne sont que des amoureux de la nature et du calme. Parfait pour moi.
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La Königshaus am Schachen, la fameuse cabane de chasse du roi Louis de Bavière, à 1866 m d'altitude.
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Un coucher de soleil difficile à battre, celui du 25 juillet sur Schachen. |
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Magnifique.
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Le pavillon où j'ai été seule pour un bon deux heures à attendre le coucher de soleil.
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Sur le chemin du retour vers le refuge.
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De retour au dortoir, j'ai fait la rencontre d'un groupe de trois ainés avec qui nous avons eu bien du plaisir. Finalement le dortoir était presque vide, j'ai donc j'ai changé de place pour un lit plus grand à moi toute seule. J'ai pas trop compris pourquoi le viking m'avait dit d'installer mon sac de couchage absolument sur ce lit collé sur les autres personnes. Pour finir, j'ai beau ne pas avoir réussi mon examen d'allemand, je suis contente d'être en mesure de faire connaissance en pyjama dans une cabane de chasse et d'avoir du fun de même avec des allemands de 65 ans. C'est pas mal plus important pour moi de faire ça, que de savoir comment conjuguer parfaitement un verbe pronominal au plus-que-parfait, qu'on se le dise.
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