Jour 778 | Autriche improvisée

Das improvisierte Österreich

Avec mon pied à terre à Gosausee, tout au bout de la ligne de bus, je peux rayonner facilement partout autour. Il est très facile de se déplacer ici, en train ou en bus, et atteindre à peu près toutes les villes et villages possibles. Pour moi, la disponibilité des transports en commun joue gros sur le succès de mes voyages. Mon itinéraire improvisé dans la Oberösterreich et le Salzburger Land m'aura amenée à Salzburg, Gosau et le Gosausee, Hallstatt, Bad Ischl, Strobl et le Wolfgangsee, Fuschl-am-See et le Fuschlsee. Tout ça, en six jours.

Party de tonnerre à Gosausee

À chaque soir passé à Gosausee, j'ai eu droit à un spectacle incroyable sur mon grand patio privé dans la vallée. Il faisait 25 degrés en pleine nuit. Il n'y avait aucune pluie, mais une agréable brise chaude sur ma peau. Des éclairs réguliers bien définis brisaient la noirceur et rendaient le ciel mauve, rose et orangé pour une fraction de seconde, de sorte que tous les sommets étaient visibles autour du lac. J'adore le tonnerre, c'est tellement puissant. Je ne peux pas demander mieux qu'à être chaque soir en bobettes sur mon patio dans mon petit repaire sécuritaire entouré de montagnes. Was könnte schöner sein ? 

Au lendemain de mon aventure extrême sur la via ferrata, je vais prendre ça molo et profiter du lac. Mais j'ai décidé en cours de route de tenter un autre parcours. Je voulais rentabiliser la location de mes équipements, voilà. Ben oui, ça sonne comme une mauvaise idée à des kilomètres à la ronde, et c'en était vraiment une. Le parcours Laserer Alpin Klettersteig, c'est le petit parcours facile d'une heure qui sert à déterminer si les gens sont prêts ou non, à entreprendre l'escalade du Donnerkogel. Facile. On va repasser pour le facile. Il doit être facile quand on vient pas de se claquer 6h d'escalade et 2 h en descente la veille. En plus, étant donné qu'il longe le lac, il donne ben trop envie de se laisser tomber dans cette eau d'un turquoise clair. Comme le lac m'appelait, j'ai quitté le sentier après 30 minutes, j'ai pris le bus, rendu mes équipements et je suis revenue au lac pour me baigner.

Bon matin, Gosausee !

Mon grand patio de plusieurs mètres avec la vue sur le lac et les montagnes.

Décor autrichien au déjeuner.

Le lac Gosausee et son entourage magnifique.

Le parcours d'escalade. Quand je dis qu'il donne juste envie de sauter à l'eau. Ben c'est ça.

Le lac était tranquille, il n'y avait pas trop de gens, sauf aux meilleurs endroits, là où il y a des accès facile à l'eau. Pour ma part, j'aime pas les gens en vacances. J'ai envie d'être seule et j'ai donc trouvé un beau chemin escarpé pour me rendre au lac, que personne n'avait encore tenté. Mon petit coin était d'ailleurs camouflé par les arbres. J'ai de la chance, les fesses dans l'eau avec rien d'autre à faire que de regarder les poissons rayés qui viennent faire les curieux autour de moi. Entre deux baignades, j'ai fait le tour du lac, ce qui prend environ 1h15. Un côté du lac était complètement à l'ombre des montagnes à cette heure, et il y avait un courant d'air froid qui provient de l'altitude, comme si quelqu'un avait ouvert la porte du frigo. Ça faisait du bien. 

Le soir, dans l'habituel party de tonnerre, tous les gens mangent à l'intérieur. J'ai fait la connaissance de deux femmes de Mönchengladbach (une ville en Allemagne pas trop loin de Düsseldorf), avec qui je n'ai eu d'autre choix que de partager le repas, faute d'espace. J'ai adoré ! Ici, ça arrive régulièrement, qu'on partage une grande table avec d'autres gens au restaurant. Qu'on mange en face ou à côté d'un inconnu. Jamais vu ça au Québec. J'ai eu vraiment du plaisir à converser avec ces personnes en allemand, durant toute l'heure du repas.

Lors de la marche autour du lac.

Cette eau claire et turquoise ! 

Étouffement touristique à Hallstatt

Hallstatt, connue comme la perle de l'Autriche, est une commune dans la région de Salzkammergut, en Haute-Autriche, figurant au patrimoine mondial de l'Unesco. Elle abrite les plus anciennes mines de sel au monde, qui remontent à 800 ans avant Jésus-Christ. Il paraît que les visiteurs du monde entier s'y rendent pour longer les rives du Hallstättersee. D'après ce que j'ai vu, moi j'pense qu'ils venaient tous de la Chine en fait. Des groupes de touristes qui ne parlent pas anglais et ne communiquent avec personne sauf entre eux descendaient par coup de 60 d'un gros autobus nolisé, avec leurs valises qu'ils vont traîner dans le centre-ville. Ils manipulent avec aisance du matériel de selfie complexe et portent des masques N95 à l'extérieur. Il doit y avoir en ce moment 1000 spécimen de ce genre, pour un habitant de Hallstatt. Honnêtement, j'ai jamais vu autant de touristes dans un si petit endroit. Oui, j'en faisais aussi partie. Mais à une différence près, je ne criais pas pour rassembler tous mes enfants hyperactifs sur la même photo devant une fontaine.

La ville de Hallstatt depuis son point de vue le plus populaire. Absents sur la photo : les 800 touristes derrière mois.

L'une des nombreuses petites ruelles qui serpentent la ville.

La place du marché.

Une maison typique, nichée dans la montagne.

La beauté du lac Hallstättersee.

Il y a des croisières sur le lac qui partent à toutes les 30 minutes. J'ai bien essayé d'en prendre une mais les valises des touristes, qui sont grosses comme des voitures, prenaient je crois l'espace de 20 passagers. J'ai trouvé un truc cool dans cette ville, issu de l'Atlas Obscura : la Beinhaus. C'est un ossuaire dans la chapelle Michaelskapelle qui date du 12e siècle. C'est une collection impressionnante de plus de 600 crânes peints. Ils arborent tous des petits motifs floraux, des lettres, des nombres ou des symboles. C'est super beau, quoi qu'un peu glauque ! Mais d'où ça vient ? Lorsqu'une tombe dans le trop petit cimetière venait à être réutilisée pour un autre enterrement, les os étaient déplacés là. Les peintures permettaient de préserver l'identité des défunts. Parce que sinon, on s'entend qu'un crâne, ça ressemble pas mal à tous les autres crânes. Il en coûtait 4 € (ou 2 €, j'ai oublié) pour visiter l'endroit. La madame à l'entrée était drôle. Quand je lui ai dit que je venais de Nordamerika, elle m'a demandé si je connaissais Taylor Swift et elle m'a montré une photo d'elle. Une swiftie.

La visite de la Beinhaus était la chose la plus cool qu'Hallstatt avait à offrir à mon avis. Je me voyais pas non plus visiter la mine de sel, un endroit hyper lucratif qui doit être complètement dénaturé par des visiteurs et du personnel sur le gros nerf. Ce village, aussi joli soit-il, est à mon sens complètement gâché par une affluence touristique monstre dès très tôt le matin. Malheureusement, je ne recommande pas à quiconque de faire une visite là bas, sauf peut-être en hiver ? Je m'en vais à Bad Ischl. J'ai un rendez-vous.

Un échantillon des crânes rassemblés dans la Beinhaus.

La Katholische Pfarrkirche de Hallstatt, à droite de laquelle se trouve la Beinhaus.

La culture est le nouveau sel

Bad Ischl, ville impériale connue et appréciée pour ses nombreux parcs et jardins fleuris, a été nommée la capitale européenne de la culture. Ça veut dire que cette ville a été désignée par l'Union européenne pour un an durant laquelle un programme culturel est particulièrement renforcé. La préparation à cette année spéciale est l'occasion pour la ville d'augmenter ses ressources et son offre culturelle et de lui faire gagner un profil international. Déjà en sortant du bus à la gare principale, je croise une sculpture que j'ai trouvée super belle et mise en valeur : Atemluft (ce qui signifie air respirable). 
Elle manifeste le manque de sens face à nos ressources qui s'amenuisent et est une image d'une lutte pour savoir ce dont nous avons besoin pour vivre. Très beau ! La ligne directrice de cette longue promotion culturelle : Kultur ist das neue Salz. La région de Salzkammergut a été façonnée en grande partie par les éléments comme le sel, l'eau et le bois. Le commerce du sel a nourri et fait prospérer la région et lui a permis de faire partie d'un réseau international. Des milliers d'année plus tard, la culture est le nouveau sel. Bien pensé.

Je rencontre Ben, originaire de Thalgau, un professeur-entrepreneur-musicien qui me propose d'aller se baigner au lac Wolfgangsee. Let's go Ben, merci pour la crème glacée, maintenant pèse sur le gaz dans ta Opel, j'ai juste envie d'être dans l'eau. J'ai rien à dire sur le gars, qui m'a aucunement marquée et que j'ai probablement aussi laissé très indifférent. À la base, on avait juste envie d'avoir un peu de compagnie et se laisser bercer par les mouvements de l'eau dans un beau lac bleu, et c'est ça qu'on a fait, sachant très bien qu'on allait pas garder contact. D'ailleurs, sur la rive de Wolfgangsee se trouve le village de Sankt Gilgen, là où la mère de Mozart est née et a grandi. Mais je n'ai pas visité ce village, car on est arrivés par Strobl, à l'autre extrémité.

La sculpture Atemluft près de la gare de Bad Ischl.  

Sentier sur le bord du lac où l'ont peut s'arrêter à tout moment pour poser nos affaires et se jeter à l'eau.

Lieu de ma baignade. Not bad.

La rivière Traun à la hauteur de Bad Ischl, un affluent du Danube.

Le genre de véhicule qui s'arrête à la gare principale.

Naturisme à Fuschl-am-See

En quittant Gosausee vers 9h15 le matin, je remarque que des gens traversent déjà la Himmelsleiter. Les chanceux. Quelle expérience marquante que je n'oublierai jamais. J'aimerais bien revenir un jour, dans quelques années, et revoir la Claudia de 2024 en train de réaliser ce défi. 
Aujourd'hui, je retourne à Salzburg et on m'avait recommandé de me rendre au lac Fuschlsee, si j'avais envie d'une autre journée de baignade. Mais je suis un peu déçue en arrivant là. Tout est plein, les plages avec un accès facile à la hauteur de Fuschl-am-See sont remplies de familles ou de monsieurs-madames avec des parasols, des glacières, des tubes de crème solaire et des serviettes colorées. Tout ce dont j'ai pas envie. 

Tant pis, le lac est beau pour vrai, je vais faire la randonnée autour et peut-être que je trouverai un accès. Par hasard, je pars vers la droite et je trouve un petit sentier caché après environ une heure de marche. Jackpot ! Il n'y a pas trop de monde, pas de couleurs explosives qui troublent la délicatesse du lac. Je m'installe, je me glisse dans l'eau, et je remarque à ce moment que tout le monde est tout nu autour de moi. Google, ist Fuschlsee FKK ? Après quelques lectures, il s'avère que oui, la rive où je me trouve est une Freikörperkultur-Bereich, une zone de naturisme non officielle, mais bien connue. Ah ben dis donc. Faites ce que vous voulez, mais moi j'adhère pas au mouvement. Non, non. Mais je suis quand même restée là, tout le monde se fout la paix dans les FKK-Bereich anyway. 

Lieu de baignade.

Moi, dans mon costume pas naturiste.

Quelle eau claire ici.

Le Museum der Moderne

Ce soir, c'est ma dernière nuit avant de prendre mon vol vers Düsseldorf et je suis de retour à Salzburg. Mon hébergement est situé en hauteur, sur la colline Mönschberg, donc difficilement accessible de la vieille ville. Je savais pas ça au moment de réserver. Paresseuse en cette fin de journée, je décide d'éviter les centaines de marches et de prendre le maudit ascenseur attrape touriste pour me rendre en haut. Cette fois, je vais combiner le tout avec une visite du Museum der Moderne, qui ferme exceptionnellement ce soir à 20h. J'ai le temps, c'est relax comme activité et je n'ai encore pas visité de musée depuis le début de mon voyage en Autriche. Je suis tombée face à face avec le king de l'ascenseur, un vieux frustré qui prend sa job de contrôleur d'ascenseur très au sérieux. Il voyait ben que j'avais un allemand limité, or il m'a mis tous les bâtons dans les roues possibles pour me rendre la tâche compliquée. Moi, je voulais juste un billet pour le musée. Il s'est entêté sur l'heure de fermeture du musée, m'a balancé toutes sortes d'informations fausses dont j'avais lu le contraire en ligne, n'a pas répondu à mes questions. Pour vrai j'ai perdu patience. New skill unlocked : s'obstiner avec un vieux grincheux dans une troisième langue. J'allais tellement pas lui donner raison que j'ai préféré monter 300 marches plutôt que de prendre son ascenseur de couillon.

Conséquemment, puisque ce gardien incompétent informe les gens à tort que le musée est fermé ce soir, il n'y avait presque personne quand je l'ai visité. Il y avait moi, et du personnel en habit qui s'ennuyait dans chaque pièce, pour un ratio de 1:20. C'est un beau bâtiment qui surplombe la ville. À l'intérieur, des expositions toutes incompréhensibles les unes des autres. J'en ai visité trois : Raüme öffnen, une collection d'œuvres bizarres sur le mouvement et l'espace, Spielen heißt verändern, une exposition interactive sur le jeu à travers l'art, sur le dépassement des limites de l'imaginaire, et Plötzlich in Pracht beginnen, une présentation multimédia sur l'artiste de performance Rose English qui devait avoir un problème mental ou quelque chose pour clamer que ses insanités c'est de l'art. J'ai rien compris. Rien. Mais c'était une belle visite. Un musée vaste, coloré, avec des itinéraires bien pensés. Comme je les aime. Ça me dérange pas de pas comprendre.

Lorsque je suis arrivée, il y avait d'ailleurs une performance live. Une performance, c'est pas un spectacle, c'est pas de la musique, c'est pas du chant, pas du théâtre, c'est... autre chose. Dans les escaliers se trouvaient six personnes accroupies avec chacun deux paires de grosse bottes de pluie noires. Une paire dans leurs pieds, une paire dans leurs bras. Et ils étaient immobiles, fixaient le vide. Heureusement, il y avait aussi une couple d'autres personnes dans le public parce que sinon j'aurais été malaisée. Dois-je regarder ? Combien de temps ça va durer avant que quelque chose se passe ? Dois-je interagir ? Finalement, ça a duré 5 minutes et ensuite les artistes se sont levés à tour de rôle et ont quitté la pièce. Les gens ont applaudi. Moi aussi, même si dans ma tête ma seule réaction était : ??????. Non mais tu veux me dire quoi au juste par ce show ? Parce que moi aussi j'suis capable de performer si c'est ça. J'pense qu'ils prennent les gens sains d'esprit pour des cons. Et ça marche... parce qu'on applaudit ! L'art... desfois... 

Installation dont la signification est difficile à déchiffrer.

Collection de drapeau.

Ma pièce préférée, un mini habit sans corps. Il mesurait environ 2 pieds de haut.

Les escaliers du musée.

Ici, on pouvait jouer au ping-pong avec une télé. Ah.

Belle œuvre lumineuse à l'entrée du musée.

Le bâtiment du musée, avec la terrasse du restaurant gastronomique.

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